jeudi 15 février 2018

Fr.-Ant. Chevrier. Paris, Histoire véridique, anecdotique, morale et critique, avec la clef. Très bel exemplaire relié plein veau par Petit-Simier.


François-Antoine CHEVRIER.

Paris, Histoire véridique, anecdotique, morale et critique, avec la clef. Par M. Chevrier.

A La Haye, 1767

1 volume in-12 (15,7 x 10 cm) de 88 pages.

Reliure plein veau marbré, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, pièce de titre de maroquin marron, pièce de tomaison de maroquin noir, tranches rouges, triple-filet doré en encadrement des plats, double filet doré sur les coupes, jeu de roulettes et filets dorés en encadrement intérieur des plats, doublure et gardes de papier peigne (reliure de la seconde moitié du XIXe siècle signée Petit-Simier). Superbe exemplaire à l'état proche du neuf. Une infime piqûre de vers en pied du mors supérieur.

Édition originale.


François-Antoine Chevrier (ou de Chevrier) était un libelliste lorrain né à Nancy le 11 octobre 1721 et mort à Rotterdam le 26 juin 1762. Libelliste acerbe, Chevrier a passé le plus clair de sa vie d'écrivain à révéler au grand jour les mesquineries et les intrigues de son temps, que tout le monde taisait, principalement dans le milieu théâtral. Adolphe Van Bever le définit comme « le plus satirique et le moins sociable, il faut bien le dire, des écrivains lorrains ». Il se fait d'abord connaître par des pamphlets, dont un contre le duc Stanislas Leszczyński, qui lui vaut d'être exilé. Réfugié à Paris, il travaille pour le théâtre et voyage beaucoup, souvent contre son gré, poursuivi par les vindictes de quelque puissant ou des soucis avec la police. Il est d'abord secrétaire du marquis de Cursay (1700-1766) quand il commande les troupes françaises en Corse, puis gazetier à Paris. Contraint à un nouvel exil, il se réfugie dans les Pays-Bas autrichiens, en Hollande, en Allemagne. Son ouvrage le plus connu est Le Colporteur (1762). Le scandale que provoque la publication de ce roman décide le gouvernement français à demander l'extradition de l'auteur, qui s'était exilé en Hollande. Il meurt subitement dans les premiers jours de juillet 1762. On prétend qu'il a été empoisonné sur ordre du gouvernement français, ce qui fait dire à l'actrice Sophie Arnould apprenant sa mort : « Juste ciel ! il aura sucé sa plume ». Il semblerait qu'il soit plutôt mort d'une indigestion, lui qui avait crevé de faim toute sa vie durant. (source : Wikipédia).


On trouve dans ce pamphlet sur Paris et son monde, les chapitres suivants : Paris en général - De la cour - Du Sénat - De la haute noblesse - Des Bramines - De la robe subalterne - De la noblesse du second ordre - Des trésoriers de France, Secrétaires du roi, pierres à détacher, petite Noblesse - Des Comédiens et Filles de l'opéra. A la fin du volume on trouve la clef imprimée (pp. 83 à 88).


"Tout le monde connaît Paris, mais fort peu de gens savent l'histoire secrète des mœurs de ses habitants : les Anglais qui voyagent par économie y troquent leurs guinées contre les faveurs indiscrètes d'une Fille d'Opéra, vont faire un tour en Provence, et repassent la mer en jurant contre les Français dont ils n'adoptent que les perruques. Une Nation estimable malgré son flegme, les Espagnols modestement convaincus que leurs Pays est, la source des Arts, le centre du goût et l'asile des talents, ne quittent leurs foyers que pour passer dans les mines du Potosi, d'où ils reviennent pleins d'or, d'orgueil et de tristesse. Les Allemands courent l'Europe pour s'instruire, et comme ils ne s'attachent qu'aux choses inutiles, ils quittent Paris sans y avoir rien acquis. Les Italiens toujours prompts à saisir les extrêmes, viennent dans la Capitale de la France pour y parler d'eux et de leur musique, et ils ne rapportent dans leur Pays que les airs gauches et les manières chargées des petits-maîtres du second ordre, fans avoir les ridicules agréables de nos merveilleux. Les Américains accoutumés à régner despotiquement fur des Esclaves qu'ils tyrannisent, parce qu'ils leurs doivent leur fortune, font peut-être les seuls étrangers qui retirent quelques fruits de leur séjour à Paris ; destinés à vivre avec des hommes, ils apprennent à le devenir, et ces tyrans de leurs semblables, sont en France des esclaves rampants aux pieds d'une Courtisane subalterne, le rebut des trois autres parties du monde ; orgueilleux du poids de leurs chaînes, ils font toujours habile à se décorer, persuadés que le passage de S. Domingue à Nantes, donne le droit de s’illustrer, ils se créent presque tous Marquis ou Chevaliers ; c’est à l'appui de ces titres frivoles qu'ils jouissent de l'avantage de se ruiner avec nos jeunes Seigneurs, qui veulent bien avoir la complaisance de leur gagner leur sucre et leur café ; voilà ce qu'on appelle la Noblesse commerçante, c’est la feule qu'on connaît en France [...] je louerai peu, parce qu'il y a peu de gens estimables à tous égards ; je critiquerai souvent, parce que je parlerai des hommes [...] Les écrits, les travers et quelquefois les mœurs feront soumis à mon examen ; les hommes qui osent penser tout haut, ne m’accuseront point d’injustice ; au surplus quand je dis que je parlerai des mœurs, on ne doit pas craindre, qu’abusant de la liberté que j'ai le droit de prendre, j'aille déshonorer des Citoyens respectables ; loin de mon cœur une idée aussi basse! [...]."(extrait du chapitre premier).


Provenance : Bibliothèque du château de Chissay (Touraine) (avec ex libris armorié gravé).

Très bel exemplaire parfaitement établi par Petit-Simier.

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