vendredi 9 juillet 2021

Terence (Publius Terentius Afer). Les comédies de Térence traduites en français par Madame Dacier (1747). Superbe exemplaire en maroquin d'époque parfaitement conservé. Très rare dans cette condition des plus désirables.

TERENCE [Publius Terentius Afer]. [Madame DACIER, traductrice]. Bernard PICARD (illustrateur).

Les comédies de Térence ; avec la traduction et les remarques de Madame Dacier. Nouvelle édition, corrigée d'un nombre considérable de fautes et enrichie de différentes leçons de Mr. Bentlei, de Donat, de Faern, et d'autres.

A Amsterdam et à Leipzig, chez Arkstée et Merkus, 1747

3 volumes in-12 (17 x 10,5 cm) de LX-495, (4)-459-(1) et (4)-403-(1) pages. Frontispice au tome I dessiné et gravé par Bernard Picard. Vignettes à l'eau-forte (différentes) sur les pages de titre imprimées en rouge et noir. 48 figures hors-texte (dont 2 dépliantes) dont un portrait de l'auteur, des scènes des pièces de théâtre ainsi que des séries de masques de théâtre à l'antique, gravées au trait par Bernard Picard. Nombreux culs-de-lampe et bandeaux gravés sur bois ou à l'eau-forte. Edition bilingue latin-français (la page en latin est à gauche), les remarques très nombreuses sont sur chaque page.

Reliure strictement de l'époque plein maroquin rouge vermillon, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, pièces de titre et tomaison de maroquin vert, tranches dorées, triple-filet doré en encadrement des plats avec fleuron dans les angles, filet doré sur les coupes, roulette dorée en encadrement intérieur des plats. Exemplaire proche du neuf tel que sorti de l'atelier du relieur au milieu du XVIIIe siècle. Une très petite tache sombre au dos du premier volume et une coupure du cuir au second plat du deuxième volume sont à signaler (très peu visible). Intérieur très frais. Comme toujours pour cette édition certains feuillets sont plus jaunis ou légèrement roussis, sans jamais que cela ne soit important. Toutes les gravures sont d'un superbe tirage et sur beau papier resté bien blanc.

Nouvelle édition et édition définitive donnée par Madame Dacier, qui fait suite aux éditions de 1717 (première édition de cette traduction, 1724, 1747, etc. Madame Dacier fit paraître une première édition des Comédies de Térence en 1688.

Cette traduction de Madame Dacier eut un très grand succès dans toute la première moitié du XVIIIe siècle. L'illustration due au talent de Bernard Picard est parfaitement dans le ton du théâtre antique de Terence. Le jeu des acteurs ainsi que les séries de masques illustrent avec brio les différentes pièces.








"Avant que de finir cette Préface, je rendrai compte ici d’une chose qui me paraît ne devoir pas être oubliée. Pendant que je travaillais à cet Ouvrage, M. THEVENOT, dont le mérite est si connu de tout le monde, & qui a su joindre toutes les qualités de l’honnête homme [xxxviii] à celles de l’homme d’esprit, m’exhortait à voir les Manuscrits de la Bibliothèque du Roi, où il me disait que je pourrais trouver des choses que je ne serais pas fâchée de voir. J’avois beaucoup de répugnance à en venir là ; il me semblait que les Manuscrits étaient si fort au dessus d’une personne de mon sexe, que c’était usurper les droits des Savants que d’avoir seulement la pensée de les consulter. Mais ma Traduction étant achevée d’imprimer, et M. THEVENOT m’ayant dit que les Manuscrits dont il m’avait parlé méritaient d’être vus, à cause des figures qui y sont, la curiosité m’a portée enfin à les voir avant que de donner ma Préface. Ils m’ont été communiquez depuis quelques jours, et j’y ai trouvé des choses dont je suis charmée, et qui prouvent admirablement les changements les plus considérables que j’ai fait au texte pour la division des Actes, qui est ce qu’il y a de plus important. Pour le plaisir du Lecteur de mettre par [xxxix] ordre ce que j’y ai trouvé de plus remarquable. Entre ces Manuscrits il y en a deux qui bien que fort anciens (car le plus moderne paraît avoir plus de huit ou neuf cent ans) ne sont pas si précieux par leur antiquité que par les parques qu’ils portent, qui font connaître qu’ils ont été faits sur des Manuscrits fort anciens, et d’une très-bonne main. Les figures qui sont au commencement de chaque Scène ne sont pas fort délicatement dessinées ; mais leur geste & leur attitude répondent parfaitement aux passions & aux mouvements que le Poète a voulu donner à ses personnages ; et je ne doute pas que du temps de TERENCE les Comédiens ne fissent les mêmes gestes qui sont représentés par ces figures. Il n’y avait point d’Acteur qui n’eût un masque : c’est pourquoi à la tête de chaque Comédie il y a une Planche où l’on voit autant de masques qu’il y a d’Acteurs ; mais [xl] ces masques n’étaient pas faits comme les nôtres qui couvrent seulement le visage, c’était une tête entière qui enfermait toute la tête de l’Acteur. On n’a qu’à se représenter un casque dont le devant aurait la figure du visage, & qui serait coiffé d’une perruque ; car il n’y avait point de masque sans cheveux. J’ai fait graver toutes les figures de ce Manuscrit et les Planches de ces masques, dont les figures servent à faire entendre cette fable de PHEDRE : Personam tragicam forte Vulpes viderat. O quant species ! inquit, cerebrum non habet. Un Renard voyant un jour un masque de Théâtre, ô la belle tête, dit-il, mais elle n’a point de cervelle. La troisième remarque que je fais sur les figures, c’est que le manteau des Esclaves était aussi court que [xli] celui de nos Comédiens Italiens ; mais il était beaucoup plus large. Ces Acteurs le mettaient d’ordinaire en écharpe, et ils le portaient le plus souvent autour du cou, ou sur une épaule ; et quelquefois ils s’en servaient comme d’une ceinture. La quatrième remarque, c’est que les portes qui donnaient dans la rue avoient presque toutes les portières qui les couvraient par dedans ; et comme apparemment on n’avait pas alors l’usage des tringles et des anneaux, ceux qui sortaient, et qui se tenant devant la porte voulaient voir cependant ce qui se passait devant la maison, nouaient la portière comme on noue les rideaux d’un lit. C’est ce que je trouve de plus remarquable dans ces figures. Voyons si en parcourant les pièces l’une après l’autre, on ne trouvera rien qui mérite d’être remarqué." (extrait de la préface de Madame Dacier).

Térence (en latin : Publius Terentius Afer), né à Carthage aux alentours de 190 av. J.-C. et mort à Rome en 159 av. J.-C., est un poète comique latin, vraisemblablement d'origine berbère. Auteur de seulement six pièces qui nous sont toutes parvenues, il est considéré, avec Plaute, comme un des deux grands maîtres du genre à Rome, et son œuvre a exercé une influence profonde sur le théâtre européen, de l'Antiquité jusqu'aux temps modernes. Ses pièces s'intitulent : L'Andrienne, L’Hécyre, L’Heautontimoroumenos, L'Eunuque (Jean de La Fontaine adorait cette pièce, qu'il adapta en 1655.), Le Phormion (cette pièce inspira en grande partie à Molière ses Fourberies de Scapin.), Les Adelphes (cette pièce inspira à Molière son École des maris.). « Je compare [Térence] à quelques-unes de ces précieuses statues qui nous restent des Grecs, une Vénus de Médicis, un Antinoüs. Elles ont peu de passions, peu de caractère, presque point de mouvement ; mais on y remarque tant de pureté, tant d’élégance et de vérité, qu’on n’est jamais las de les considérer. Ce sont des beautés si déliées, si secrètes, qu'on ne les saisit toutes qu'avec le temps ; c'est moins la chose, que l'impression et le sentiment qu'on en remporte : il faut y revenir, et l'on y revient sans cesse. » (Denis Diderot, Mélanges de littérature et de philosophie, édition de Jacques-André Naigeon, vol. IX. Paris, 1798).

Anne Dacier, est née Le Fèvre à Grandchamp, au sud de Langres, en 1645 (mois et jour inconnus), et a été baptisée à Is-sur-Tille, le 24 décembre 1645. Elle est morte le 17 août 1720, au Louvre à Paris. C'est une philologue et traductrice française très réputée en son temps. Après sa mort, Voltaire l'a présentée comme « l’un des prodiges du siècle de Louis XIV » et a affirmé : « Ses traductions de Térence et d’Homère lui font un honneur immortel ». Saint-Simon l'a jugé supérieure à son époux et a loué sa modestie.









Provenance : de la bibliothèque d'Alfred Dailly avec son ex libris gravé (Stern, Paris), passé ensuite dans la bibliothèque Frochot (son parent). Lire à propos d'Alfred Dailly notre article sur le Bibliomane moderne : Alfred Dailly (1818-1888), bourgeois distingué, laborieux et bienfaisant, bibliophile à ses heures. "Né à Paris, en 1818 (*), Alfred Dailly entrait au Conseil d'Etat, le 10 mars 1839, en qualité d'auditeur de 2e classe. En 1843, il était nommé chef de cabinet de M. Passy, sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur. Cette situation lui permit de rendre d'importants services lors de la cruelle disette qui affligea le pays en 1846. Il fut à cette occasion nommé chevalier de la Légion d'Honneur. Durant cette même année 1846, il quitta le Conseil d'Etat où il avait été promu à la première classe de l'auditorat, pour occuper les fonctions d'administrateur des chemins de fer de l'Ouest. En cette qualité et comme fondateur du chemin de fer de Dieppe, il contribua énergiquement à créer et à rendre populaire en France l'industrie encore nouvelle qui, en quelques années, devait si complètement transformer le monde. Quinze ans plus tard, en 1862, le roi Victor-Emmanuel lui donnait un témoignage personnel d'estime pour la part qu'il venait de prendre à la création de la ligne reliant la France à l'Italie par le Mont-Cenis. Pendant la Commune, en 1871, M. Dailly fit jusqu'à la fin son service d'administrateur à la Compagnie de l'Ouest, se rendant chaque jour aux bureaux de la gare Saint-Lazare qu'occupaient les fédérés et menacé plusieurs fois par eux d'être emprisonné comme otage. Revenu à Saint-Cloud après la guerre, il y exerçait les pénibles fonctions d'administrateur de l'hospice civil, lorsque la mort est venue, non le surprendre, mais apporter un terme aux souffrances d'une impitoyable maladie." (extrait).

Splendide ensemble pour bibliophile exigeant à la recherche d'exemplaires parfaitement conservés.

Prix : 4.500 euros