jeudi 6 février 2025

HARAUCOURT (Edmond)‎ | LUNOIS (Alexandre) [Octave UZANNE] LA MADONE | [Paris, Les Bibliophiles Contemporains, Académie des Beaux Livres, 1894.] Edition originale. Tirage à part de l'un des quatre textes composant L'Effort d'Haraucourt et publié en 1894 pour les Bibliophiles Contemporains. Tirage unique limité à 180 exemplaires. Avec relié en tête une très belle aquarelle originale pleine page par l'artiste Alex. Lunois. Superbe exemplaire avec aquarelle originale signée et luxueusement relié à l'époque par Charles Meunier pour le bibliophile Eugène Renevey.

HARAUCOURT (Edmond)‎ | LUNOIS (Alexandre) [Octave UZANNE]

LA MADONE

[Paris, Les Bibliophiles Contemporains, Académie des Beaux Livres, 1894.]

1 volume in-4 (28,2 x 22,5 cm) de (1)-18-(2) pages. 17 encadrements de pages lithographiés en couleurs par Alex. Lunois et 1 vignette pour l'achevé d'imprimer (verso du dernier feuillet). Avec une grande aquarelle originale pleine page signée placée en tête du volume. Avec 4 feuillets blancs placés avant et après le texte (papier filigrané au nom de l'auteur dans un encadrement le tout spécialement fabriqué pour cette édition.

Reliure strictement de l'époque plein maroquin turquoise, dos à quatre nerfs sautés, auteur et titre dorés au dos (très mince) dans un encadrement de filet doré, encadrement de filets dorés sur les plats avec volutes d'angles, encadrement intérieur de maroquin mosaïqué de nuages de maroquin ivoire le tout parsemé d'un semé d'étoiles argentées de deux tailles différentes, doublures et gardes de papier marbré, tranches dorées sur brochure (reliure signée CH. MEUNIER). Très bel état de conservation. Le dos est uniformément insolé (viré au turquoise-vert). Intérieur parfait.


Edition originale.

Tirage à part de l'un des quatre textes composant L'Effort d'Haraucourt et publié en 1894 pour les Bibliophiles Contemporains.

Tirage unique limité à 180 exemplaires, celui-ci ne comporte pas le feuillet de justification de tirage qui était réservé bien évidemment à l'édition complète de l'ouvrage.

Avec relié en tête une très belle aquarelle originale pleine page par l'artiste Alex. Lunois (La Madone portant une cruche)


Imprimé sur beau papier d'Arches filigrané en marges (frise florale et noms de l'auteur et de la collection) conçu par Octave Uzanne, le directeur fondateur de la Société.

L'ouvrage complet se compose normalement comme suit : Collection de quatre contes : La Madone, illustré de 18 lithographies originales d'Alexandre LUNOIS - L'Antéchrist, illustré de 38 compositions d'Eugène COURBOIN, aquarellées - L'Immortalité, illustré de 32 compositions de Carlos SCHWABE, dont 10 gravées à l'eau-forte en noir (par Massé) et 23 grands motifs floraux aquarellés.- La Fin du Monde, illustré d'un frontispice tiré en or et de 46 grands dessins d'Alexandre SEON. La couverture, les faux-titres, justification et titre sont entièrement orné de grandes compositions en couleurs de Léon RUDNICKI.




Notre exemplaire est un tirage à part du conte LA MADONE seule, illustré par Alexandre Lunois. Il a été relié ainsi pour l'amateur bibliophile Eugène Renevey.

Ce genre de tirage relié à part ne devait être qu'une exception et une coquetterie d'amateur. Nous avons cependant pu constater le même type d'exemplaire pour ce même livre avec le conte illustré par Carlos Schwabe (L'immortalité).

Octave Uzanne, en tant que maître d'oeuvre, signe ici l'une des plus belles productions pour les Bibliophiles contemporains. C'est un livre qui est aujourd'hui de plus en plus remarqué et recherché par les amateurs.

La Société des Bibliophiles Contemporains fondée par Octave Uzanne à la fin de l'année 1889 va mal en 1894. Le Président-Fondateur n'est plus en odeur de sainteté pour une partie non négligeable des membres de cette petite chapelle bibliophilique, aussi dénommée Académie des Beaux Livres. Certains accusent Octave Uzanne d'agir à sa guise, en despote, sans tenir compte de l'avis des membres. Octave Uzanne finira par jeter l'éponge et demandera la dissolution de cette assemblée cette même année. Plusieurs ouvrages de qualité auront néanmoins vu le jour pendant les quelques années d'activité de cette société de bibliophiles esthètes, sous la direction d'Octave Uzanne, principal animateur et promoteur de l'esprit qui l'a fait vivre.










Cette nouvelle La Madone a paru pour la première fois en 1890 dans la Revue Bleue (N°17 - Tome 45 - 26 avril 1890).

"Il y avait autrefois - voici bien longtemps de cela un peintre qui possédait une grande âme d'artiste et chérissait son art par-dessus tout. Il l'adorait et le cultivait, pour lui-même : il y voyait un but et non pas un moyen, le terme de la vie et non la route qui conduit vers la fortune ou vers la renommée. Jamais, d'ailleurs, il n'avait pesé ni raisonné cette façon de sentir; il l'éprouvait naïvement et vivait selon sa nature ; quand il avait conçu le beau, il tâchait à le réaliser, et y travaillait avec ferveur, sans souci du bien ou du mal que l'on en pourrait penser autour de lui. Il cherchait, il aimait, c'est-à-dire qu'il se cherchait lui-même et qu'il aimait son rêve. Ceci l'avait promptement mené à la solitude : vivre en soi, c'est vivre loin. Il était donc suffisamment dédaigné, et son mérite était si grand que nul n'avait l'idée d'y croire.​ [...] Or, un soir, à l'heure où les troupeaux rentrent aux étables, il arriva près d'une fontaine aux portes de la ville. Une jeune fille avait déposé à terre ses cruches pleines, et, avant de reprendre son chemin, se reposait, assise sur la margelle de pierre. Au-dessus d'un torse frêle, son visage grave et triste, éclairé par les reflets du couchant, se découpait sur le fond d'un ciel d'or, et le soleil bas, caché derrière elle, dispersait vers les nues des clartés frémissantes : les rayons, tamisés dans les cheveux blonds de l'enfant, lui faisaient un nimbe mobile, et, dans cette gloire de lumière, elle ressemblait aux saintes du paradis. Il s'approcha pour l'examiner plus à l'aise : elle ne bougea point, et ne le vit pas, absorbée sans doute en quelque méditation: elle avait le front uni, le nez fin, les yeux droits, la bouche sans sourire. Austère comme le soir, elle était en harmonie avec lui, faisait partie de lui, le complétait, et, poétisée par lui, le poétisait à son tour. Elle dégageait de la religion. [...]" (extrait)


"Alexandre Lunois est de naissance parisienne, mais de souche normande. L'observateur, doué d'un rien de malice caustique et d'un soupçon de finesse avertie, atteste ces origines dans ses oeuvres. Il a, du Parisien, l'esprit railleur et curieux, et son intelligence est rompue à toutes subtilités du métier, comme les vieux Normands se complaisent aux difficultés et arguties. Mais Lunois n'est pas un parisien d'annexion, il a vu le jour dans le vieux Paris historique, le vieux Paris dont chaque rue évoque un lambeau d'histoire, dont chaque maison offre le florilège de cent anecdotes vivantes. [...]" (extrait)​ Alexandre Lunois est par excellence l'artiste de la femme et de l'Orient, son oeuvre est vaste et colorée. Il a participé à l'élaboration de deux ouvrages importants publiés par Octave Uzanne : Les Contes Choisis de Maupassant (1892) où il illustre le conte intitulé L’Épave et L'Effort d'Edmond Haraucourt (1894) où il illustre La Madone. Il meurt en 1916 à l'âge de 53 ans.

Provenance : de la bibliothèque d'Eugène Renevey (1847-1923) (ingénieur des mines et grand administreur industriel - Société d'électro-métallurgie de Dives) avec son ex libris tiré à part sur Chine (volant). La bibliothèque d'Eugène Renevey sera vendue en mai 1924. Sa bibliothèque était très riche en reliures d'art des plus grands noms de la reliure et de livres enrichis d'aquarelles originales (comme ici). Eugène Renevey était également un grand collectionneur d'estampes. Né de père inconnu d'une mère célibataire qui était lingère, Eugène Renevey entre dans la catégorie très restreinte des bibliophiles issus des classes populaires. On comprend alors mieux la devise de son ex libris et l'illustration qui l'accompagne "Qui peine gagne" accompagné d'un laboureur menant sa vache et la charrue dans son champs.

Superbe exemplaire avec aquarelle originale signée et luxueusement relié à l'époque par Charles Meunier pour le bibliophile Eugène Renevey.

Prix : 3.800 euros