lundi 25 janvier 2021

Hugues Rebell. La Nichina. Mémoires inédits de Lorenzo Vendramin (1897). Edition originale sur papier de Hollande (59 ex.). Très bel exemplaire dans une fine reliure de l'époque en maroquin à coins.



Hugues REBELL.

LA NICHINA. Mémoires inédits de Lorenzo Vendramin.

Paris, Mercure de France, 1897

1 volume in-18 (19 x 13,5 cm) de (2)-484-(4) pages.

Reliure de l'époque demi-maroquin vert sombre à larges coins, dos à faux-nerfs orné d'un fleuron doré au centre de chaque caisson, roulettes dorées, nerfs décorés à froid se prolongeant sur les plats, filets dorés sur les plats, tête dorée, doublures et gardes de papier peigne, tranches ébarbées. Les plats de couverture n'ont pas été conservés. Reliure parfaitement conservée et d'excellente facture. La reliure n'est pas signée.

Edition originale.

Un des 59 exemplaires sur papier de Hollande (après 15 ex. sur Japon et 15 ex. sur Chine).



Georges Grassal de Choffat, dit Hugues Rebell, est né à Nantes en 1867 et mort à Paris le 6 mars 1905. Il était d'une riche famille d'armateurs et de banquiers. En 1887 il hérite de la fortune de son père (500.000 francs). Rebell va alors consacrer cette fortune à ses passions : les livres rares, le luxe, et surtout les femmes. « Un bel esprit, fin, curieux, très raffiné, note Paul Léautaud. Un curieux individu, aussi, sorte de sadique, de corrompu à l'excès. » Plein de morgue, se présentant « dans l'attitude de l'aristocrate heureux et dédaigneux » (Remy de Gourmont), il ne se fait pas que des amis. En politique, il est passionnément monarchiste et réactionnaire. Une réputation en grande partie méritée d'auteur érotique voire pornographique l'a poursuivie jusqu'à aujourd'hui. On lui doit des textes dans cette thématique comme Les Nuits chaudes du Cap (1902) ou encore des livres sur la flagellation comme Le fouet à Londres (1905). D'autres livres curiosa lui sont encore attribués. Il devait épouser la fille de Félicien Rops, Claire Rops, mais se projet avorta en 1895. En 1894, les parents d'une mineure qu'il avait séduite le font chanter et lui font perdre ainsi une grande partie de sa fortune. Hugues Rebell avait beaucoup voyagé, très épris de l'Italie de la Renaissance, des femmes, etc. En 1900, il a fait un dernier voyage en Espagne. Mais, harcelé par ses créanciers, miné par l'arthrite, il est désormais pauvre et presque mourant. Il engage des collaborateurs : Gustave Le Rouge, avec qui il projette une histoire romancée la flibuste ; Jean de Mitty, qui travaille au Journal d'un valet de chambre, sur-titré Au service de l'empereur ; Marius Boisson tient la plume pour deux recueils de nouvelles publiés chez Carrington, Femmes châtiées et Cinq histoires vécues, et un roman signé "Jean de Villiot", Gringalette. Pour fuir les huissiers, il quitte son appartement du boulevard des Batignolles pour un immeuble sordide du 10 rue des Francs-Bourgeois. Il ne sort plus guère que la nuit. Il y meurt âgé de 38 ans seulement d'une péritonite en 1905, ruiné mais au milieu de ses livres précieux dont il refusait de se séparer. En 1900, il avait répondu à l'Enquête sur la monarchie de Charles Maurras et s'était montré en faveur du nationalisme intégral et de la restauration monarchique.

En 1892, il loue un appartement au palais Veniere à Venise et commence à écrire les poèmes de son premier livre important, Les Chants de la pluie et du soleil, ainsi que son roman La Nichina. Il poursuit en 1893 à Naples et termine à Munich. La Nichina, achevé à Mantoue, est publié en 1896 et remporte un gros succès de librairie. Ce roman, situé dans l'Italie de la Renaissance chère à l'auteur, serait un livre à clefs, dans lequel la Nichina serait la demi-mondaine Valtesse de La Bigne, maîtresse d'Édouard Detaille, d'Henri Gervex et de plusieurs banquiers, et le sous-secrétaire d'État à l'intérieur Louis-Numa Baragnon.

Nichina, une belle courtisane vénitienne, raconte, dans un salon, les aventures de sa vie. Avant d'accéder au respect et à la gloire, elle n'a pas hésité à se livrer aux pratiques les plus viles, à côtoyer les êtres les plus infâmes. En relatant le triomphe de Nichina, c'est à la femme immorale que Rebell rend hommage. Sans doute l'une des rares qu'il traite avec un égard véritable. La Nichina est aussi le premier des grands romans italiens de Rebell, que la Renaissance fascine. Pour faire rebondir sans cesse l'intrigue, il a recours au personnage du moine paillard, qui éructe et flatule à la demande, trousse les jeunes filles et se montre avide de bonne chère. Une fois de plus, Rebell règle ses comptes avec la religion, dont il a lui-même tant souffert et qu'il combattra toute sa vie (Mercure de France, Présentation de l'édition de 1994).

Très bel exemplaire sur grand papier de cet ouvrage recherché d'Hugues Rebell.

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