lundi 20 mai 2019

Crébillon fils. Le Sopha (1742). Edition originale en librairie. Bel exemplaire relié en veau à l'époque. Chef d'oeuvre de la littérature libertine du XVIIIe siècle.


Crébillon fils (Claude Prosper Jolyot de Crébillon, dit)

Le Sopha, Conte moral.

A Gaznah, de l'imprimerie du Très-Pieux, Très-Clément et Très-Auguste Sultan des Indes, L'an de l'Hégire M. C. XX. [i.e. Prault, Paris, 1742]

2 volumes in-12 (16,5 x 10 cm) de (6)-298 et (4)-264 pages.

Reliure de l'époque plein veau marbré caramel, dos lisses ornés aux petits fers dorés, pièce de titre en maroquin rouge, tomaison de maroquin olive, tranches marbrées bleues, doublures et gardes de papier marbré escargot. Reliure très fraîche, intérieur très frais. Un coin très légèrement touché sans gravité. Sans le faux-titre du deuxième volume qui n'a pas été relié dans l'exemplaire.



Edition originale en librairie.



Le Sopha fut rédigé par Crébillon fils en 1737 et publié pour la première fois de manière très confidentielle en 1740. De nombreuses rééditions se succédèrent montrant l’engouement pour ce type de littérature. Ce fut un succès de scandale. Ce conte merveilleux adopte un récit cadre oriental qui renvoie aux Mille et une nuits et s’affirme comme une réflexion sur les aléas du désir et de l’amour. Le narrateur, Amanzéï, est transformé en sopha et ne retrouvera sa forme humaine que « quand deux personnes se donneraient mutuellement et sur [lui] leurs prémices ».



À l’intention du sultan Schah-Baham, qui s’ennuie, et de la sultane, il raconte les scènes dont il a été le témoin en faisant défiler sept couples. Le dernier, formé de deux adolescents (Zéïnis et Phéléas) dont les jeunes cœurs jouissent innocemment du plaisir qu’ils se donnent, remplit la condition permettant de le libérer. La virtuosité de Crébillon consiste à broder à l’infini sur le même thème sans jamais répéter exactement les mêmes notes. Les différents épisodes – dont le plus long (9 chapitres) est celui de Zulica – de ce roman qui « conjugue vitriolage psychologique, satire politique et mise en abyme des pouvoirs de la fiction et du langage », sont autant d’occasions de ridiculiser l’hypocrisie sous ses différentes formes (respectabilité mondaine, vertu, dévotion).



Le Sopha circulait déjà sous le manteau bien avant sa publication officielle en 1742 (notre édition), nonobstant les défenses qui lui avaient été faites. Après sa publication, l’auteur est exilé par le cardinal de Fleury à 30 lieues de Paris le 7 avril 1742 en raison du cynisme de l’ouvrage et de son libertinage, mais surtout parce que certains croient reconnaître Louis XV dans le personnage ridicule et amusant du sultan Schah-Baham. Crébillon prit alors le chemin de l’Angleterre, sans en informer son père qui demanda de ses nouvelles au chancelier d’Aguesseau, qui lui répondit le 31 mai. Crébillon parvint à faire valoir pour sa défense que l’ouvrage aurait été commandé par Frédéric II de Prusse et n’aurait été publié qu’à la suite d’une indiscrétion et contre sa volonté. Rappelé le 22 juillet, il s’empressa de rentrer en France. Avec le Sopha, Crébillon obtint un nouveau succès de scandale. Lorsqu’il fut introduit auprès du public anglais par Lord Chesterfield, qui avait donné les trois cents exemplaires, que lui avait envoyés Crébillon, à vendre chez l’éditeur White, le succès en fut énorme ; Walpole lui-même le trouva admirable. Hogarth a trouvé le moyen de le représenter dans son Mariage à la mode (1745), enfoncé dans un coin du canapé. Le Sopha a eu une influence sur les Bijoux indiscrets de Diderot, où la bague de Mangogul joue le même rôle d’objet voyeur que le sopha crébillonien, et les Liaisons dangereuses de Laclos où Mme de Merteuil lit un chapitre du Sopha pour se disposer à la venue de Belleroche. (Wikipédia).



Nous avons pu constater qu'il existe pour cette édition originale de 1742 deux sortes d'exemplaires (peut-être plus ?). Les uns comportent des pages de titres imprimées en rouge et noir avec certains fleurons tandis que les autres (les moins communs, semble-t-il) possèdent des titres imprimés en noir avec des fleurons différents. Notre exemplaire est de ces derniers. Au premier volume nous avons constaté quelques différences dans la justification et certains ornements, ce qui indique qu'il existe plusieurs tirages.



Bel exemplaire parfaitement conservé dans sa jolie reliure en veau de l'époque.

VENDU