Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]
Le Paysan perverti, ou les Dangers de la ville ; Histoire récente, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages. Par N. E. Rétif de la Bretone.
Imprimé A La Haye, et se trouve à Paris, chés Esprit, M. DCC. LXXVI. [1776] (i.e. 1782)
8 parties en 4 tomes reliés en 4 volumes in-12 (17,5 x 10,5 cm - Hauteur de marges : 170 mm). VII-(1)-304, 312, 304 et 293-(3) pages. 82 figures hors-texte dont 8 frontispices.
Reliure de l'époque plein veau fauve marbré, dos lisses ornés, pièces de titre de maroquin rouge, pastilles de tomaisons vertes, décors aux petits fers spéciaux, roulette dorée sur les coupes, doublures et gardes de papier blanc. Reliures indemnes de toute restauration, superbement conservées. Intérieur très frais. Partiellement imprimé sur papier bleuté. Reliure que l'on peut dater, d'après le décor des dos, des années 1785-1790.
Quatrième édition, la plus correcte, donnée par Rétif de la Bretonne lui-même.
Exemplaire bien complet de la suite de 82 figures en excellent tirage publiée courant 1781-1782.
Rarissime exemplaire de premier tirage. Les 3 figures censurées sont ici exceptionnellement en premier état avant la censure (voir plus bas).
Le Paysan perverti est aujourd'hui reconnu comme l'ouvrage le plus important de Rétif de la Bretonne et il fut en son temps aussi celui qui fit le succès de son auteur. Son style et son fond en font l'un des ouvrages du XVIIIe siècle précurseurs du genre naturaliste par bien des aspects. Avec le Paysan perverti de Rétif on est très loin des marivaudages creux et autres romans sans tenue de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rétif insuffle à la psychologie des personnages une teneur inégalée alors. Le mode d'écriture épistolaire ajoute à l'intensité dramatique et ancre le tout dans la réalité non-romanesque. Avec ce long roman par lettres Rétif obtient la reconnaissance d'homme de lettres tant recherchée par lui depuis ses débuts en littérature en 1764 (La Famille vertueuse). La remarquable illustration renferme 82 figures gravées en taille-douce, 8 frontispices, dont quatre signés par Berthet, et 74 planches par Le Roy, le tout d'après Louis Binet sous la direction de Restif. Cette quatrième édition du Paysan, pourtant décriée par lui-même (Monsieur Nicolas), a en réalité été exécutée à Paris par lui et/ou sous ses ordres. C'est la seule édition du Paysan à posséder un errata et la seule pour laquelle le placement des figures correspond à la pagination. Cette édition s'accorde avec la Paysane pervertie publiée seulement en 1784 mais rédigée en seulement 30 jours en septembre 1780 (Monsieur Nicolas).
Rétif insiste sur les difficultés qu'il rencontra pour son Paysan avec la censure. Ce sont 3 figures qu'il dut faire refaire (fig. n°8, 24 et 33. Cf. liste P. Lacroix). La figure 8 montre Edmond et Gaudet d'Arras dans un cabinet dont les murs sont recouverts de peintures obscènes (la censure obligea Rétif à faire gratter ces peintures - dans la version censurée on ne les distingue plus). La figure 24 quant à elle montre Edmond et Gaudet d'Arras en habit religieux (la censure obligea Rétif à faire revêtir Gaudet d'Arras d'un habit civil). Enfin, la figure 33 représente Madame Parangon en train de se faire trousser par Edmond (la censure obligea Rétif à supprimer les jambes "un peu trop en l'air" de ladite dame). Avoir les trois états non censurés dans un exemplaire relié à l'époque tient du miracle.
Le Paysan perverti rapportera à Rétif, avec les rééditions, neuf mille livres, soit une dizaine d’années de son salaire à l’imprimerie quand il y était bien payé.
Le Paysan perverti a été publié pour la première fois en 1775 (sous la date de 1776, date que Rétif conservera pour toutes ses éditions du Paysan).
"Né au sein d’une famille nombreuse, Edmond, fils de paysan, est envoyé par ses parents à la ville dans l’espoir de "parvenir" et de faciliter ainsi l’avenir de toute la famille. Enthousiaste, l’adolescent compte bien tirer profit de toutes les opportunités qui ne manqueront pas de se présenter à lui. Mais si la ville est le lieu de tous les possibles, elle est aussi celui de tous les dangers : la beauté inaccessible de Mme Parangon, les leçons du sulfureux Gaudet, les discours des femmes trop faciles, les mirages d’un orgueil que l’on ne combat plus, les belles promesses des pensées libertines… autant d’attirantes lumières qui éblouissent le naïf Edmond, et qui, s’il n’y prend garde, pourraient bien l’aveugler…"(extrait de la présentation de l'édition du Paysan perverti donnée par Norbert Crochet, 2016).
Il y a énormément de Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne dans Edmond, pour ne pas dire tout ! Sa venue à Auxerre en tant qu'apprenti imprimeur (Edmond est apprenti peintre dans une ville qu'on ne peine pas à reconnaître pour Auxerre). Son arrivée à Paris, ses illusions et ses désillusions, etc. Tout y est, fardé, changé, un peu, beaucoup ou à peine. Les lecteurs de son temps, eux, n'en savaient rien et lisaient le Paysan comme une jolie histoire véritable (ce qu'elle était presque entièrement).
Références : Cohen, 498-499 ; Rives Childs, p. 236, n°10 ; Paul Lacroix, pp. 131-132, n°5. Un très bel exemplaire relié en 2 volumes en maroquin à l'époque, également de premier tirage pour les 3 gravures censurées, a été adjugé un peu plus de 8.500 euros (Bibliothèque Tissot-Dupont, Piasa, Paris, 19 octobre 2016, n°463 - cet exemplaire a depuis passé au catalogue d'une librairie ancienne parisienne).
Bel exemplaire dans une très belle et fine reliure d'époque, bien complet de la suite des 82 figures avec les 3 figures avant modifications exigées par la censure.
De toute rareté.
VENDU