jeudi 12 mai 2022

Un ouvrage religieux condamné par Rome pour Jansénisme : L'Année Chrétienne du Père Nicolas Letourneux (Le Tourneux), 1691-1705. Splendide exemplaire en maroquin doublé de l'époque attribuable à Luc-Antoine Boyet. Très rare.


[Le Tourneux ou Letourneux, Nicolas] [Luc-Antoine BOYET, relieur].

[L'Année Chrétienne, contenant les Messes des Dimanches, fériés et fêtes de toute l'année, etc.]

[Paris, Elie Josset, 1691-1705]

9 volumes in-12 à pagination multiple. Environ 400 à 500 pages par volume.

Reliure janséniste strictement de l'époque plein maroquin vieux rouge doublé maroquin vieux rouge, dos à nerfs, pièces de titre en maroquin olive portant uniquement le mois de l'année, roulette dorée en encadrement des pièces de titre, tranches dorées sur marbrure, doublures de maroquin vieux rouge encadrées d'un jeu de filets et roulette dorés, roulette dorée sur les coupes. Ex libris contrecollé sur la doublure (premier contreplat) de tous les volumes.

Les volumes ont été reliés sans les pages de titre (volontaire). Exemplaire réglé à l'encre rouge. Très bel ensemble avec de minimes défauts d'usage (un mors partiellement fendu et consolidé au deuxième volume, infimes frottements, petits manques de cuir à deux coiffes inférieures, petit travail de vers sur une doublure sans gravité). (reliures attribuables à Luc-Antoine Boyet).







Ensemble complet et très rare de l'Année Chrétienne du père Le Tourneux.

Chaque volume commence par L'Ordinaire de la Sainte Messe (28 pages), identique pour chaque volume. Le premier volume contient les mois de Décembre et Janvier. Le deuxième volume contient les mois de Février et Mars. Les volumes suivants contiennent les mois d'Avril à Novembre. Dans chaque volume on trouve les Messes des Saints dont les fêtes arrivent (aux dates indiquées) avec de courtes biographies des ces Saints. On trouve également l'Explication de l'Evangile.

L'Année Chrétienne de Monsieur Le Tourneux a été publiée en 12 volumes (un volume par mois), plus 1 volume pour les Messes votives de toute l'année avec des explications. Les volumes se vendaient séparément au prix de 3 livres le volume. Les 12 volumes se vendaient ensemble 36 livres (en 1693 selon l'extrait du Privilège du Roi qui se trouve au recto du feuillet qui indique la liste des ouvrages de dévotion du même auteur. 



Ces reliures sortent très probablement de l'atelieur de Luc-Antoine Boyet (relieur du roi ayant exercé de 1680 à sa mort en 1733. L'ensemble des volumes a été imprimé entre 1691 et 1705 (d'après les privilèges du roi et les achevés d'imprimer qu'on trouve dans les différents volumes). On datera donc les reliures de l'année 1705 ou 1706 au plus tard ce qui correspond tout à faire à la période d'activité du relieur Luc-Antoine Boyet. Particularité de l'exemplaire : les volumes ont été reliés dans aucune page de titre. Celles-ci n'ont (volontairement) jamais été placées en tête des volumes. Est-ce une volonté de rendre cet ensemble intemporel pour le dévot à qui il était destiné ? Nous ne savons pas. Quoi qu'il en soit, un relieur de cette trempe n'aurait certainement pas "oublié" de relier les pages de titre. Il s'agit donc d'un acte délibéré auquel il faudrait tenter de retrouver un sens. A noter également une pagination des plus farfelues qui pioche allègrement dans diverses parties de l'Année Chrétienne sans en suivre le cours tout le long. Il y a même pour un volume un cache de papier appliqué sur un haut de page pour cacher ce qui y était imprimé.




Nicolas Letourneux ou Le Tourneux (1640-1686) est né de parents pauvres. Il dut le bienfait de son éducation à M. Gentien Thomas Dufossé (père de Pierre Thomas), maître des comptes à Rouen, qui l'envoya étudier à Paris au collège des jésuites. Après avoir achevé sa philosophie au collège des Grassins, il retourna à Rouen, où il fut ordonné prêtre à vingt-deux ans, puis employé dans le ministère de la prédication, dont il s'acquitta avec succès, On lui procura deux petits bénéfices, et il obtint une pension du roi. Au bout de quelques années il quitta la place de vicaire qu'il occupait dans une paroisse de Rouen, et vint vivre à Paris dans la retraite. En 1681, il devint le confesseur officiel de Port-Royal, où il avait d'étroites liaisons. Son dessein était de se condamner pour toujours au silence ; mais Lemaistre de Sacy l'engagea à reparaître dans la chaire. Letourneux prêcha donc dans plusieurs églises, où il fut très suivi. Le goût de la retraite le conduisit dans le Maine, et enfin à son prieuré de Villers, dans le diocèse de Soissons, où il passa ses dernières années. De passage à Paris, il mourut d'une crise d'apoplexie, le IV des calendes de décembre 1686, à 46 ans. Il fut enterré dans l'église Saint-Landry (aujourd'hui disparue), et son cœur à Port-Royal des Champs dans la chapelle des Reliques. Par son testament il légua la somme de deux mille livres au monastère de Port-Royal. On lui doit notamment l'Année Chrétienne dont il publia seulement les premiers volumes. Dans le tome VII (1694) de l'Année Chrétienne on trouve à la fin du volume le catalogue des livres du Père Letourneux publiés par Hélie Josset. L'Année Chrétienne est ainsi présentée en 12 volumes vendus la somme de 36 livres. On y trouve également l'Histoire de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, De la meilleure manière d'entendre la Sainte Messe, des Instructions et Exercices de piété durant la Sainte-Messe, avec des prières du matin et du soir, des Oraisons pour dire devant et après la confession et la Sainte Communion et des Instructions sur les Dimanches et Fêtes, des Instructions Chrétiennes sur les Sacrements et sur les Cérémonies avec lesquelles l'Eglise les administre, Six Lettres écrites à quelques personnes de la Religion Prétendue Réformée, pour les exciter à rentrer dans l'Eglise Catholique et pour répondre à leurs difficultés, Les Règles et les Principes de la Vie Chrétienne, etc.

UN OUVRAGE RELIGIEUX CONDAMNÉ PAR ROME.

Ce livre a été condamné à Rome, sous le Pape Innocent XII, le 17 septembre 1691, et par plusieurs évêques français, et les amis de l'auteur conviennent que sa doctrine est la même que celle de Pasquier Quesnel (mis à l'Index en 1695 soit neuf ans après sa mort). On a de Letourneux une Lettre pour sa justification, datée du 19 mai 1686. Il y disait qu'il n'était point retourné à Port-Royal depuis sa sortie de cette maison, et qu'il ne s'était point servi, dans son Année chrétienne, de la version du Missel de Voisin, ni de celle du Nouveau Testament de Mons. Toutefois son ouvrage renferme beaucoup de choses inexactes, et c'est pour le faire oublier que Griffet a composé son Année du chrétien. L'Année Chrétienne du Père Letourneux cache le venin des propositions du Jansénisme : « Le Bréviaire français (de Letourneux), dit Colonia, est un livre presque aussi dangereux que L'année Chrétienne. »

Provenance : de la bibliothèque du Vicomte Le Veneur avec son ex libris armorié dans chaque volume"ex dono patris Vicompte Le Veneur - D'argent, á la bande d'azur, chargée de trois flanchis d'or.) (collé sur la doublure du premier contreplat). Ces volumes proviennent de la bibliothèque de Alexis Le Veneur, vicomte de Tillières, créé comte de l'Empire en 1810, qui fut militaire et partisan des idées progressistes à la fin du XVIIIe siècle. Il était l'époux d'Henriette de Verdelin (1757-1834), fille de la marquise de Verdelin (1728-1810) qui fut une correspondante et protectrice de Jean-Jacques Rousseau. Adhérant aux idées progressistes, il prit position pour l'abandon des privilèges avant la Révolution. Il participa à plusieurs campagnes militaires qui lui valurent le grade de lieutenant général puis de général de division. Il fut commandant en chef de l'armée du Nord sous Custine (1793). Il fut élu maire de Carrouges et administrateur du département de l'Orne, puis Ier président du Conseil général de l'Orne et enfin député de l'Orne au Corps Législatif. Il fut fait comte d'Empire avec majorat par Napoléon Bonaparte. Il s'éteignit en 1833 à l'âge de 86 ans La famille Le Veneur ou Le Veneur de Tillières depuis le XVème siècle (parfois aussi appelée Le Veneur de Carrouges), est une ancienne et illustre famille de Normandie. D'extraction chevaleresque, sa filiation remonte à 1200. Elle s'est éteinte en 1963 ; de la bibliothèque d'Augustine Rosalie Victorine Marie Levêques-Billardeau (ex libris à l'encre - XIXe s.).

Splendide ensemble, des plus rares en maroquin doublé janséniste attribué à Luc-Antoine Boyet, relieur du roi.

Exemplaire en parfait accord esthétique avec les doctrines qu'il contient.

Prix : 6.000 euros