HERVIEU, Paul. - LEMAIRE, Madeleine (illustratrice).
FLIRT. Illustré par Madeleine Lemaire.
Paris, Boussod, Valadon et Cie, 1890
2 volumes grands in-4 (32,5 x 25,5 cm) de 213-(3) pages pour le volume de texte qui contient l'état définitif en noir des estampes (19 grandes compositions hors-texte, 18 grandes vignettes en bandeaux et culs-de-lampe). Le deuxième volume (6 cm d'épaisseur) contient un tirage à part de toutes les illustrations en 4 ou 5 états, parfois 6.
Reliure demi-maroquin à larges coins, dos à nerfs richement ornés aux petits fers, filets entrecroisés, double-filets sur les plats, tête dorée, non rogné, couverture conservée. Exemplaire à l'état proche du neuf. (reliure de l'époque signée M. LORTIC).
ÉDITION ORIGINALE DE GRAND LUXE.
TIRAGE A QUELQUES DIZAINES D'EXEMPLAIRES SUR PAPIER DU JAPON (non justifié).
EXEMPLAIRE DE PRÉSENT. Le nom du destinataire n'a pas été renseigné.
Normalement ce type d'exemplaires était accompagné de deux suites des gravures : une suite imprimée en camaïeu sur papier Whatman et une suite imprimée en bistre sur papier du Japon. Notre exemplaire contient dans le volume de planches : 5 états des gravures (1 état en bistre sur Japon avec remarque, 1 état en bistre sur Japon sans remarque, 1 état en bleu sur Whatman avec remarque, 1 état en bleu sur Whatman sans remarque, 1 état en couleur sur Whatman fort). Quelques estampes possèdent une épreuve de mois, d'autres ont une épreuve de plus.
« Je ne crois pas qu'il ait jamais un mot de pitié pour les souffrances physiques ou morales qu'il dépeint avec une inflexible vigueur. [...] C'est par l'intensité seule de ses descriptions ou de ses analyses qu'il trahit son émotion et qu'il provoque la nôtre. Tel il était dans ses livres, tel il était aussi dans sa vie » — Edmond Estève, Paul Hervieu, conteur, moraliste et dramaturge.
Issu d'une famille bourgeoise, Paul Hervieu se destine tout d’abord au barreau, devient avocat et fréquente un moment les milieux politiques. Il obtient en 1881 un poste d’attaché d’ambassade à Mexico, qu’il ne conserve pas longtemps. Intéressé surtout par la littérature, il se consacre principalement à l’écriture, tout en fréquentant des salons littéraires et mondains, tels ceux de Madame de Pierrebourg, qui fut sa maîtresse, et de Madame Émile Straus, où il côtoie des écrivains, Marcel Proust, Paul Bourget, Henri Meilhac, Ludovic Halévy, Guy de Maupassant ; des aristocrates, la Princesse Mathilde, le Prince Georges Bibesco ; des comédiens comme Réjane ou Lucien Guitry et des artistes comme Edgar Degas. En 1883, commence sa longue amitié avec Octave Mirbeau, dont il devient le confident. Il collabore cette année-là, sous le pseudonyme de Liris, à l'éphémère revue que fonde son nouvel ami et à laquelle collaborent également Alfred Capus et Étienne Grosclaude, Les Grimaces, hebdomadaire satirique et de combat anti-opportuniste, mais aussi antisémite, destiné selon Mirbeau « à faire grimacer tout ce faux monde de brigands impunis de la finance ». Pourtant, à l'instar de Mirbeau, qui fera partie des intellectuels dreyfusistes les plus engagés, Hervieu sera dreyfusard, ce qui lui vaudra un échec lors de sa première candidature académique. Préoccupé par les problèmes sociaux de son époque, il les expose dans des romans psychologiques et mondains, à la manière de Paul Bourget, et dans des pièces de théâtre, volontiers moralisatrices. Voulant analyser rigoureusement une situation et en montrer les conséquences inéluctables, il met en scène des personnages qui se conduisent avec une logique extrême, sans la moindre humanité, attentifs uniquement au sentiment du devoir et aux conventions sociales. Cette rigidité amène à des dénouements dramatiques qui paraissent outranciers aujourd’hui. L'intrigue se déroule dans des milieux aristocratiques ou mondains : la femme adultère dans L'Énigme et dans Le Réveil, le remariage d’une femme divorcée dans Le Dédale, et le soin dû aux enfants, quelles qu’en soient les conséquences, dans La Course du flambeau. Il succéda en 1900 à Édouard Pailleron au fauteuil 12 de l'Académie française. Edmond de Goncourt disait de lui : « Le petit Hervieu a une voix curieuse, c'est comme la voix lointaine d'un somnambule que son endormeur ferait parler. » (source : Wikipédia).
Flirt a paru pour la première fois sous cette forme luxueuse chez Boussod et Valadon. Il a été fait la même année une autre édition chez l'éditeur Alphonse Lemerre (30 avril 1890) dans lequel l'auteur remercie Madeleine Lemaire "la grande artiste dont la collaboration a illustré la première édition de ce livre."
L'illustration est en effet d'une beauté magistrale. Techniquement irréprochable, ce livre rentre dans la catégorie des très beaux livres illustrés par l'eau-forte. Notre exemplaire du rare tirage sur Japon contient un maximum de suites dont la très rare suite en couleurs dont Octave Uzanne a sans aucun doute été jaloux s'il l'a eu sous les yeux.
"Flirt où s’évoque, dans un raccourci inquiétant, la pourriture des milieux mondains. [...] Dans aucun livre, peut-être, ne fut aussi cruellement évoquée l’absence de sens moral des sociétés élégantes et jouisseuses, pour qui tous les devoirs sociaux se bornent à des échanges de politesse, et toutes les vertus, à des rites futiles d’étiquette. Il y avait, dans ce livre, pour qui sait lire, des pages terribles, où la forme élégante, où le style raffiné et joli rendaient plus visibles la saleté de ces cœurs, le cynisme de ces âmes. Eh bien, il se levait de là une grande et belle pitié, et d’autant plus active, qu’elle était plus maîtresse d’elle-même, plus lucide et plus raisonnante. C’est que personne, comme M. Paul Hervieu, ne connaît les ressorts de l’âme humaine ; personne ne s’est davantage penché au bord de ce gouffre, qui est le front d’un homme, personne ne s’est plus aventuré sur cette mer de joies et d’illusions qu’est la prunelle d’une femme, et personne n’a davantage rapporté, de ces voyages, des sensations poignantes de cet infini et de ce mystère qu’est la vie." (Octave Mirbeau, Les Écrivains, Première série).
Madeleine Lemaire (1845-1928) est reconnue pour la beauté de ses aquarelles florales. Ses compositions s'adaptent parfaitement au milieu mondain décrit avec une très grande finesse dans Flirt. Une trentaine de ses œuvres — pastels, huiles et aquarelles — ont été présentées en avril-juin 2010 au musée Marmottan-Monet, à Paris, dans le cadre d’une exposition consacrée aux femmes peintres au temps de Marcel Proust. Les musées de Dieppe, de Mulhouse et de Toulouse possèdent quelques-unes de ses œuvres, et le musée du Louvre possède une aquarelle (Valet de chambre portant une lettre) et un Bouquet de l'ancienne collection Le Masle. Alexandre Dumas fils, dont elle a été la maîtresse a dit d’elle : « C'est elle qui a créé le plus de roses après Dieu ». On la surnommait après Robert de Montesquiou « l’impératrice des roses. » Elle exposait en particulier à la galerie Georges Petit ou chez Georges Beugniet.
Fine reliure de très grand format, parfaitement conservée, signée M. Lortic. Marcellin Lortic (1852-1928), successeur de son père depuis 1884. "Travailleur acharné, il faisait lui-même ses dessins et les exécutait car, contrairement à son père, il était à la fois relieur et doreur. Peu communicatif, il vivait exclusivement dans son atelier. Continuateur des décors à caissons inaugurés par Lortic père, il en créa néanmoins d'autres et ses reliures figurèrent dans nombre de bibliothèques de grands collectionneurs de son temps. Certaines furent exposées au Palais Galliéra en 1902. Il n'eut pas de successeur et préféra vendre son matériel et son outillage lorsque la maladie l'empêcha de poursuivre son activité. Ses clients étaient fidèles et il ne cherchait pas à en accroître le nombre." (Fléty, Dictionnaire des relieurs français de 1800 à nos jours, pp. 115, éd. 1988).
SUPERBE EXEMPLAIRE.
Prix : 2.000 euros
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