mardi 19 décembre 2017

Jean-Marie Chassaignon. Les Cataractes de l'Imagination, déluge de la Scribomanie, Vomissement littéraire, Hémorragie Encyclopédique, etc. [1779]. 4 volumes in-12. Bel exemplaire en cartonnage de ce rare ouvrage complètement "barré".


[Jean-Marie CHASSAIGNON]

CATARACTES DE L'IMAGINATION, Déluge de le Scribomanie, Vomissement Littéraire, Hémorragie Encyclopédique, Monstre des Montres, par Épiménide l'Inspiré.

Dans l'antre de Trophonius, au Pays des Visions, 1779 [Genève ?].

4 volumes in-12 (17 x 10 cm) de 363-(1) ; 338 ; 316 et 417 pages. Frontispice gravé à l'eau-forte aux tomes I et II (imprimés sur papier bleu).

Cartonnage plein papier à la colle bleu à l'imitation des cartonnages de l'époque. Petits coins de parchemin. Pièces de titre à l'encre sur papier aux dos. Les gardes blanches sont absentes. Bien complet de tous les faux-titres et des deux très-jolis frontispices. Très bon état de l'ensemble.

Édition originale rare et unique édition de cet ouvrage complètement "fou".



Tout a été écrit ou presque sur Jean-Marie Chassaignon (1743-1795), nous renverrons donc aux principales notices biographiques de référence, notamment à celle de Benoît Melançon publiée en mai 1998 (Tangence, Littérateurs atypiques et penseurs irréguliers, n°57 - publié sur Erudit.org).

"Mystique et instable" pour les uns, ce lyonnais de 44 ans donnait dans ces 4 volumes un ensemble de textes imbriqués et très compliqué à démêler. Benoît Melançon, de l'Université de Montréal, croit déceler chez Chassaignon un homme très érudit, nourri de ses très nombreuses lectures, cherchant à exposer aux lecteurs, selon son plan impénétrable, ses critiques, ses visions, ses sensations, toutes faites de l'ingestion et de la déjection de ses propres sensations. Cet ouvrage bizarre, produit par un cerveau en délire, comme l'écrivait Hoefer au XIXe siècle (Biographie Générale), porte en lui les germes du monde nouveau. Celui d'après les Lumières. Chez Chassaignon les Lumières étaient allumées au rouge sang, parfois noires comme la mort, clignotantes ou persistantes, mais jamais éteintes. En lire quelques passages permet de s'en convaincre rapidement.



Alors, Chassaignon malade mental ? A classer parmi les fous littéraires (ce qui a été fait) ; Chassaigné illuminé ? prophète ? lucide ? extra-lucide ? conscient de son état ? Ce qui est certain c'est qu'il laisse ici un "Monstre" d'où sortent les "Entrailles du Monstre", laissant finalement pointer un "Arrière-Monstre" non moins effrayant que tout le reste. Quérard insiste quant à lui sur la profonde érudition déployée par l'auteur tout au long des volumes, cependant mêlée d'incohérence.

" [...] Dieu vivant, qui lis dans le fond de mon âme ... qui connaît le but de mon ouvrage ... dont le souffle brûlant pénètre jusqu'à la moelle de mes os ... dont le sans ineffable rougit mes entrailles et m'inonde tout entier ... Être souverain, que j'invoque au lever de l'aurore, que j'invoque au coucher du soleil... j'en appelle à toi [...]" (extrait du IIIe volume).




Chassaignon pouvait-il être tout à fait lucide et conscient du plan de son ouvrage ? « Si, malgré tous mes aveux et mes protestations, écrit-il dans sa préface, on s'obstine encore à me démontrer que mon ouvrage est extravagant, et que je n'aurais jamais dû le mettre au jour, esprits froids, apathiques géomètres, m'écrierai-je, en lançant un regard de colère sur mes persécuteurs acharnés, qui n'avez jamais senti remuer votre être, tressaillir, fermenter vos facultés, qui n'avez jamais éprouvé le bouleversement d'une âme impétueuse, accablée du poids de ses idées, tourmentée par une excessive énergie et par un besoin d'explosion. Ah! si vous connaissiez les pénibles convulsions d'un enthousiasme retenu, plus indulgents, vous me plaindriez et vous applaudiriez aux débordements de mon imagination. »

« J'écris non pour les cerveaux froids, mais pour les têtes ardentes », écrit-il encore.


Voici là un livre propre a "épouvanter le public" ! (volume I). Le seconde figue est légendée "Tremble, Impie, il est un Enfer :" (visions mortuaires et infernales assaillant l'auteur). Le premier frontispice, tout aussi curieux, montre l'auteur assaillit par les Muses "Muses retirez vous, je cède à mon génie."

Curiosité dans la curiosité si l'on peut dire, les pages 205 à 215 du tome IV sont imprimées en rouge et noir. Pourquoi ? Aucune idée ... (mais c'est original).

Références : Mélançon, B. (1998). Les Cataractes de Chassaignon. Tangence, (57), 72-86 ; Caillet I, 2.255 ; Blavier, Les Fous littéraires, 79-80 ; Mathieu Brunet, L’appel du monstrueux. Pensées et poétiques du désordre en France au XVIIIe siècle, Louvain : Peeters, coll. « La république des lettres », 2008, 283 p.

Provenance : les tomes III et IV portent au verso du titre l'étiquette du Cabinet littéraire de M. Royol, rue et porte St Jacques, 159, à Paris. 



Bel exemplaire.

Prix : 2.500 euros

lundi 18 décembre 2017

Manuscrit autographié anonyme [Par une femme proche du cercle de Barthélémy Prosper Enfantin, Saint-Simon] Plan d'organisation pour une nouvelle société ... féminisme et place des femmes dans la société ... politique générale, idées libertaires, disciple de Fourier et de Saint-Simon. Rarissime document éphémère.


[ANONYME, Femme proche du cercle de Barthélémy Prosper Enfantin, Saint-Simon]

A LA JEUNESSE ... CONSCIENCE ... DE LA VOLUPTÉ ... PLAN D'ORGANISATION ... NOTES ... RÉSUMÉ DE MES IDÉES.

Sans lieu ni date [vers 1840 ?]

1 brochure in-4 (25 x 19 cm), broché, de (1)-46 pages autographiées. Couverture muette de papier noir de l'époque. Usures et salissures aux premiers et derniers feuillets, le texte reste toujours lisible. Corrections manuscrites et étiquettes de correction contrecollées dans le texte. Complet.

MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE L'AUTEUR REPRODUIT A L'ÉPOQUE PAR L'AUTOGRAPHIE.



En haut du premier feuillet, en gros caractères calligraphiés, et en guise de titre, on lit : "A la jeunesse." Suit un texte de présentation d'une page (32 lignes). Le texte se poursuit au recto du feuillet suivant, paginé 1. A la page 6 commence "1er Lemme. Conscience." A la page 11 commence "Note 1ere". A la page 17 commece "2eme Lemme. De la volupté." A la page 37 "Plan d'organisation." A la page 43 "Notes faisant suite au Plan d'organisation." Enfin, à la page 46 et dernière (verso du dernier feuillet), on lit : "Résumé de mes idées."

Ce manuscrit autographié n'est pas signé. L'auteur qui reste non identifié est une femme proche du cercle de Barthélémy Prosper Enfantin et de Saint-Simon. En voici quelques extraits significatifs :

"Travailler en commun, jouir en commun est une idée extravagante pour ceux qui n'éprouvent de bonheur que dans la privation d'autrui & n'aiment que les jouissances exclusives [...] C'est donc à ceux dont le jugement et la conscience n'ont point encore été faussés. C'est à la jeunesse si vive si ardente & en même temps si sociable que je recommande la méditation de mes principes [...] (extrait de la page de présentation A la jeunesse).



Le texte principal débute ainsi : "Si par gouverner les hommes, on entendait, assurer à chacun une existence en rapport avec son industrie et ses talents, certes quoique dépouillées les masses auraient moins à se plaindre mais si je ne puis me procurer l'existence qu'à la condition du travail, n'ai-je pas droit d'exiger du travail pour obtenir cette existence ? En est-il ainsi cependant ? [...] Interrogez votre conscience ou plutôt répondez à ces enfants dont les cris faméliques déchirent les entrailles de ceux qui leur donne le jour et leur font sans cesse maudire la fécondité désastreuse dont la nature les a doués. Telle est cependant la condition de 99/100 d'une population prétendue libre et éclairée dont l'existence toute précaire se trouve à la merci d'une poignée d'individus. [...]" et plus loin : "Une société célèbre (les St Simoniens sont cités en note de bas de page) a déjà émise des principes analogues à ceux que je professe moi-même depuis longtemps, le rapprochement néanmoins m'a fait sentir la différence et ne pouvant m'unir à elle, je donne enfin isolément au public, un plan et des idées depuis longtemps consignées sur le papier et que différentes circonstances et une apathie naturelle m'avaient empêché de mettre au jour. C'est tel qu'il est écrit longtemps avant la révolution de juillet que je le livre au public. [...]".



L'auteure soutenait les idées des Saint Simoniens puis s'en est écarté pour finalement proposer par elle-même un système et des idées que l'on retrouve exposées ici pour la première fois, peu de temps sans doute après la révolution de juillet (1830). Cet imprimé peut donc dater des années 1831 à 1840. La révolution de juillet étant évoquée comme un événement assez proche.

"Je ne me fais pas d'illusion sur les haines, le mépris, les sentiments de toutes sortes et peu favorables qu'il est susceptible d'exciter, mais mon obscurité me met à l'abri des unes et me fait rire des autres. Du reste, j'oublierai toutes les contradictions si ces principes en germant dans quelques âmes pures et ardentes se développent et portent des fruits qui soient utiles au genre humain. [...] Il faut aux hommes un nouveau code, un nouvel évangile, une nouvelle ère. [...]. Applaudissez à vos maîtres et entonnez avec eux les hymnes d'allégresse et les cantiques d'actions de grâce : ils ont semé le crime. Vos consciences l'ont recueilli, et ses fruits exécrables vous servent d'aliments que, comme des reptiles odieux vous consumez en paix dans l'ombre. [...]. J'ai été longtemps employé dans de grandes pensions. J'ai toujours gémi du libertinage prématuré que j'y ai vu et qui altérant la santé de tous en faisait périr plusieurs." (page 19).



Elle conclut dans une note : "La volupté ne peut-être un crime devant les hommes et suivant la morale qu'en ce qu'elle trouble l'ordre social, mais cet ordre changé, s'il n'y a plus de trouble, il n'y a plus dans le même fait ni crime ni scandale. [...] Je suis libre - Oui sans doute, grâce à vos inventions, de voir périr de misère, sans pouvoir y apporter remède, tout ce que j'ai de plus cher au monde. [...]". 

Vient enfin le "Plan d'organisation". Quels en sont les grandes lignes ?

"Nous sommes tous frères et sœurs, époux et épouses, tous nobles et égaux, tous travailleurs dès que nous avons quitté les écoles [...]" "se former, se développer et s'instruire" Les mœurs seront simples, douces, polies, pleine d'onction et de charité, l'égalité parfaite" "aucun travail pénible ou sale ne doit flétrir ou profane". "Les hommes se répandent en commun dans les champs, dans le ateliers pour accomplir les travaux que le Conseil a réglés et dont les ordres sont transmis par la dame chef de chaque grande communauté." "Toute la société se divise en communautés, un certain nombre de communautés forment canton ou province qui toutes ressortissent d'un seul chef, toujours une femme."



Tout y est ensuite expliqué dans les moindres détails. "Les hommes couchent dans de communs dortoirs où chacun peut avoir sa chambre particulière et où chacun fait le service à tour de rôle. Il en est de même des femmes, qui ne reçoivent les hommes qu'aux temps indiqués. Ce n'est pas qu'il n'y ait tous les jours quelques instants que l'on puisse, comme à Sparte, consacrer furtivement à l'amour, mais sans violer l'ordre établi."

C'est ensuite un passage qui mérite d'être cité : "Mais la procréation n'est point abandonnée au hasard et à la fantaisie, le but étant d'atteindre au perfectionnement physique et moral des hommes, nul individu ne sera privé du plaisir des sens, mais tous ne seront pas appelés à procréer ; et le choix sera fait chaque année et toujours par élection de ceux, hommes et femmes qui doivent produire les nouveaux convives au banquet de la vie. La femme mettra au moins deux années d'intervalle entre ses grossesses. Elle commencera tard à produire et cessera de bonne heure, car les enfants étant bien soignés, il en périra peu et les mères se conserveront longtemps. De même une grossesse non commandée et provenant du défaut de précautions enjointes sera punie comme un des plus grands attentats contre la société, c'est un adultère social, s'il se multipliait il entraînerait le nouvel état à sa ruine. De longues privations en seront la peine pour les deux coupables."

Très intéressant : "Tant que les communautés seront dans l'Etat et non pas l'Etat, elles se soumettront à ses lois, ses impôts, ses enregistrements et même à ses conscriptions, et fourniront leur contingent, les entretiendront à l'armée [...]." L'auteur ne prône pas une révolution sanglante et la dénonce même. Il vise à l'amélioration du genre humain. L'auteur conclut par un résumé de ses idées et le commence par ces mots : "Jésus disait aux hommes de son temps : qu'il les avait convaincu de mensonge, d'avarice, de fornication et d'hypocrisie." A plusieurs reprises dans son texte, l'auteur fait référence à la religion chrétienne, sans pourtant la défendre, souvent pour la condamner, et aussi pour en prendre à son compte quelques règles morales. "La révolution n'a point encore été complète ; d'esclave qu'elles étaient, les masses sont devenues prolétaires, c'est à dire sans pain, sans asile, et les mœurs n'ont qu'empiré."

Le texte s'achève par une phrase complète et il semble que ce manuscrit autographié soit complet. Un renvoi vers une note semblerait pourtant indiqué le contraire. Ce document est important pour l'histoire des idées au XIXe siècle, notamment en ce qui concerne les idées féministes.



Ce manuscrit n'a, semble-t-il, jamais été publié. Sans doute a-t-il servi de support à un discours ou une conférence. Sans doute s'agit-il de la seule copie ayant subsisté. Il mérite les honneurs d'une édition moderne scientifique.

DOCUMENT ÉPHÉMÈRE RARISSIME.

VENDU

dimanche 17 décembre 2017

Henri de Toulouse-Lautrec par Jean Adhémar et Francis Jourdain (vers 1955). Tirage à 1.000 exemplaires. Très bel exemplaire à l'état proche du neuf.


Jean ADHEMAR. Francis JOURDAIN. H. DE TOULOUSE-LAUTREC.

T.-LAUTREC. Essai sur Toulouse-Lautrec par Francis Jourdain. Lautrec, peintre-graveur par Jean Adhémar, conservateur du Cabinet des Estampes. Avec un "répertoire" Lautrec et des notices analytiques par Jean Adhémar.

Club du Livre Sélectionné, Paris, s.d. (vers 1955)

1 volume in-4 (29 x  23 cm) de 141 pages de texte (avec quelques illustrations en noir dans le texte) et 128 reproductions d’œuvres en noir et en couleurs (24 en couleurs contrecollées).



Cartonnage éditeur pleine toile beige chinée avec titre imprimé en vert estampé sur le premier plat, avec illustration contrecollée. Titre au dos en vert. Exemplaire en excellent état, proche du neuf.



Tirage à 1.000 exemplaires numérotés.

Cet ouvrage est le troisième volume de la série "Musée" spécialement imprimé pour le "Club du Livre Sélectionné". La typographie a été assurée par Astra, l'héliogravure par Sapho et l'impression des hors-texte par Artra et Draeger Frères.

Ce volume a également été publié chez Pierre Tisne en 1955, avec la même pagination et les mêmes illustrations.



Très beau livre de documentation sur le peintre emblématique du Paris fin de siècle.

VENDU



jeudi 14 décembre 2017

L'Alcoran de Mahomet traduit en français par Du Ryer. Jolie édition hollandaise en petits caractères (1683). Très bel exemplaire en veau du XVIIIe siècle, très frais. Rare dans cette condition.


André DU RYER.

L'ALCORAN DE MAHOMET. Traduit d'Arabe en Français, par le sieur Du Ryer, sieur de la Garde Malezair.

La Haye, chez Adrian Moetjens, 1683

1 volume in-12 (131 x 80 mm. Hauteur des marges : 127 mm. Frontispice gravé à l'eau-forte par J. Padebrugge . 1 feuillet de titre et 8 pages non chiffrées (avis au lecteur) et 486-(4) pages. Complet.

Reliure du milieu du XVIIIe siècle plein veau fauve marbré, tranches rouges, dos richement orné aux petits fers dorés, pièce de titre de maroquin rouge, doublures et gardes de papier peigne. Exemplaire très frais, reliure et intérieur. Petite fente en tête des mors du plat supérieur, sans conséquence. Superbe impression en très petits caractères, sur beau papier.

Nouvelle édition.

Cette édition reprend le texte de la seconde édition Elzévirienne. Bien qu'elle ne soit pas donnée par les Elzévier, cette édition de 1683 est superbement imprimée en 



André Du Ryer publie la première traduction intégrale du Coran en français au format in-4 en 1647 (hormis une édition latine donnée au XVIe siècle, elle-même reprise d’une traduction du XIIe siècle très imparfaite). C'est non seulement la première traduction intégrale française mais la première traduction dans une langue européenne. Le volume est aussitôt interdit par le conseil de conscience sous la pression de Vincent de Paul. Malgré tout, l'Alcoran de Mahomet connaît un succès considérable et il est réédité de très nombreuses fois au court du XVIIe siècle. Sa traduction est une première avancée dans le connaissance de l'Islam en Europe.



Du Ryer était interprète du roi Louis XIII pour les langues orientales. Il fut envoyé auprès du Sultan Murad IV (1632) à Constantinople et chargé des négociations commerciales entre l'empire Ottoman et la France. La date de sa mort est incertaine (1660 ou 1672 selon les sources).

Inutile de rappeler l'intérêt historique et spirituel de ce livre religieux qui est plus que jamais d'une furieuse actualité en ce début de XXIe siècle.

"Nous t'avons envoyé le livre très-véritable pour instruire le peuple, celui qui suivra le droit chemin ne rencontrera que du bien, & celui qui se dévoiera, ne rencontrera que du mal, tu n’es pas le tuteur des méchants." (extrait)

Très bel exemplaire d'un livre emblématique.

VENDU



mardi 12 décembre 2017

Affaire du collier de la reine Marie-Antoinette. Recueil de 22 pièces imprimées au format in-4 (1785-1786). On a joint au volume a l'époque la gravure du collier au format 1:1 ainsi que 20 portraits à l'aquatinte des protagonistes. Rare ensemble.


[COLLECTIF]

[AFFAIRE DU COLLIER DE LA REINE]

1785-1786

Ensemble de 22 pièces imprimées au format in-4 relatives à l'Affaire du Collier de la Reine Marie-Antoinette :

1. Mémoire pour dame Jeanne de Saint-Remy de Valois, épouse du comte de La Motte. [Paris], de l'imprimerie de L. Cellot, 1785. 46 pages.

2. Mémoire pour le comte de Cagliostro, accusé ; contre M. le procureur-général, accusateur. Paris, de l'imprimerie de Lottinn, février 1786. (4)-51-(1 blanc) pages.

3. Défense à une accusation d'escroquerie. Mémoire à consulter et consultation. Pour Jean-Charles-Vincent de Bette d'Étienville, bourgeois de Saint-Omer [...], contre le sieur Vaucher, marchand horloger, et le sieur Loque, marchand bijoutier à Paris, plaignans. [Paris], de l'imprimerie de L. Cellot, 1786. (2)-30 pages.

4. Requête au Parlement, les chambres assemblées, par le comte de Cagliostro ; signifiée à M. le procureur-général, le 24 février 1786 ; pour servir d'addition au Mémoire distribué le 18 du même mois. Paris, de l'imprimerie de Lottin, février 1786. 4 pages.

5. Second mémoire à consulter et consultation, sur la défense à une accusation d'escroquerie, pour Jean-Charles-Vincent de Bette d'Éttienville, bourgeois de Saint-Omer. Paris, de l'imprimerie de Cailleau, 1786. (2)-29 pages.

6. Mémoire pour la demoiselle Le Guay d'Oliva, fille mineure, émancipée d'âge, accusée ; contre M. le procureur-général, accusateur. Paris, chez P. G. Simon et N. H. Nyon, 1786. (4)-46 pages.

7. Mémoire pour M. le Baron de Fages-Chaulnes, garde-du-corps de Monsieur, frère du roi, accusé. Contre les sieurs Vaucher et Loque, marchands bijoutiers, accusateurs. Et encore contre monsieur le procureur-général. Paris, chez Prault, 1786. (2)-30 pages.


8. Réponse pour la comtesse de Valois-La Motte, au mémoire du comte de Cagliostro. Paris, de l'imprimerie de L. Cellot, 1786. 48 pages.

9. Mémoire pour le sieur de Bette d'Etienville, servant de réponse à celui de M. de Fages. Paris, de l'imprimerie de Cailleau, 1786. (2)-30 pages.

10. Mémoire pour les sieurs Vaucher, horloger et Loque, bijoutier acusateurs, contre le sieur Bette d'Etienville, le baron de Fages-Chaulnes et autres accusés. Paris, de l'imprimerie de Prault, 1786. 88 pages.

11. Requête au parlement, ... par le Cardinal de Rohan. Paris, chez Emmanuel Flon 1786. 40 pages. 

11. Mémoire pour Louis-René-Édouard de Rohan cardinal de la Sainte Eglise romaine [...] contre M. le procureur-général. Paris, de l'imprimerie de Cl. Simon, 1786. 158 pages.

12. Pièces justificatives pour M. le cardinal de Rohan, accusé. [Paris], chez Hardouin et Gattey, [1786]. 24 pages.

13. Sommaire pour la comtesse de Valois-La Motte, accusée ; contre M. le procureur-général, accusateur. Paris, de l'imprimerie de L. Cellot, 1786. 62 pages.

14. Réflexions rapides pour M. le Cardinal de Rohan, sur le Sommaire de la Dame de La Motte. Paris, de l'imprimerie de Cl. Simon, 1786. 24 pp.

15. Supplément et suite aux Mémoires du sieur de Bette d'Étienville ancien chirurgien sous-aide-major, pour servir de réponse aux différents Mémoires faits contre lui. Paris, de l'imprimerie de Cailleau, 1786. (2)-69 pp

16. Second mémoire pour la demoiselle Le Guay d'Oliva, fille mineure, émancipée d'âge, accusée ; contre M. le procureur-général [...]. Analyse et résultat des récolements et confrontations. Paris, chez P. G. Simon et N. H. Nyon, 1786. 56 pages.

17. Requête à joindre au Mémoire du comte de Cagliostro. Paris, de l'imprimerie de Lottin, mai 1786. 11 pages.

18. Mémoire à consulter, et consultation, pour F. François-Valentin Mulot, docteur en théologie de la Faculté de Paris [...], accusé ; contre le sieur Loque, bijoutier, et le sieur Vaucher, horloger, accusateurs. Paris, de l'imprimerie de Demonville, 1786. 48 pages.

19. Requête pour le sieur Marc-Antoine Rétaux de Villette, ancien gendarme, accusé ; contre M. le procureur général, accusateur. Paris, chez P. G. Simon et N. H. Nyon, 1786. 19 pages.


20. Réponse de M. le comte de Précourt, colonel d'infanterie [...] ; aux mémoires des sieurs d'Étienville, Vaucher et Loque. Paris, chez L. F. Prault, 1776 [sic pour 1786]. 42 pages.

21. Mémoire pour le Comte de Cagliostro, demandeur, contre Maître Chesnon, le Fils et le Sieur de Launay ... défendeurs. Paris, de l'imprimerie de Lottin, février 1786. 37 pages.

22. Arrêt du Parlement, la Grand'chambre assemblée. Du 31 mai 1786. Paris, de l'imprimerie de Cl. Simon, 1786. 20 pages.

1 fort volume in-4 (26,5 x 21 cm).


Reliure plein veau marbré de l'époque, dos lisse richement orné aux petits fers dorés, pièce de titre de maroquin rouge, tranches marbrées. Quelques défauts à la reliure qui reste solide et décorative (coins émoussés, coiffe supérieure usée, petite fente au mors inférieur), le tout sans gravité. Intérieur frais sur papier de variable qualité, très bon dans l'ensemble. Le bord supérieur des derniers feuillets légèrement bruni par le cuir de la reliure. Quelques feuillets intervertis au moment de la reliure mais ensemble collationné complet pour les pièces présentes dans ce volume.


Il a été relié en tête à l'époque le très rare "collier de la reine" des Sieurs Boëhmer et Bassenge, gravé au format 1:1 (taille réelle) d'après la grandeur des diamants et publié à Paris chez M. Taunay, rue d'Enfer, Place Saint-Michel, Maison du libraire. Replié, avec deux petits fentes aux plis (aisément réparable au verso). Cette même planche, dans une version légèrement aquarellée (touches de bleu aux nœuds de soie), et encadrée à l'époque, a été vendue 3.000 euros le 17 octobre 2012 chez Coutau-Bégarie (Paris, Drouot-Richelieu). La planche mesure environ 48 x 37 cm et le collier occupe pour ainsi dire toute la feuille. (voir photo). Très rare.


Il a été relié en outre, à l'époque, dans le corps du volume et à leur place respective (lorsqu'on parle d'eux pour la première fois), une très belle collection de 20 portraits à l'aquatinte des protagonistes de l'histoire judiciaire (sur 19 planches dont 1 contient 2 portraits). En voici la liste : 1. Jeanne de Saint-Remy de Valois, épouse du comte de La Motte. 2. le comte de Cagliostro. 3. Mademoiselle de La Tour. 4. Jean Charles Vincent de Bette d'Etienville. 5. Seraphina Felichiani, comtesse de Cagliostro. 6. Madame Mella de Courville Sulbark. 7. Mademoiselle Leguet d'Esigny d'Olisva. 8. Monsieur le comte de La Motte. 9. Monsieur le baron de Fages. 10. Monsier Marcilly. 11. Monsieur Augeard. 12. Monsieur Vaucher, horloger. 13. Monsieur Loque, bijoutier. 14. Monsieur Bohemer. 15. Monsieur Bassanges. 16. Le Père Loth, minime. 17. La femme de chambre de Madame la comtesse de La Motte. 18. L'abbé Mulot. 19. Monsieur Rétaut de Villette. 20. M. le comte de Précourt. Ces portraits, tirés sur beau papier fort, resté bien blanc, ont tous été vendus chez Basset rue St-Jacques (marchand d'estampes), et sont contemporains de l'affaire (1786) comme le prouve leur présence dans notre reliure strictement de l'époque. Nous savons qu'il existe un portrait du cardinal de Rohan vendu par ce même Basset, que nous n'avons pas ici. Une telle suite à l'aquatinte de 20 portraits ne se trouve pas aujourd'hui sur le marché. Les épreuves conservées dans ce volume sont superbes.


Ensemble des plus précieux, très complet, et en condition d'époque.


Résumé de l'affaire : L'enfance de la comtesse de La Motte avait été des plus misérables. Depuis Henri II, la lignée était descendue au plus bas. Son père avait épousé une paysanne, qu’il laissa bientôt veuve. Jeanne était envoyée mendier sur les chemins par sa mère, en demandant « la charité pour une pauvre orpheline du sang des Valois ». Une dame charitable, la bonne marquise de Boulainvilliers, étonnée par cette histoire, prit des renseignements, et vérifications faites, entreprit les démarches pour lui obtenir une pension du roi, et lui fera donner une bonne éducation dans un couvent situé près de Montgeron. En 1780, Jeanne épouse à Bar-sur-Aube, un jeune officier d’apparence fort recommandable, Nicolas de La Motte, qui sert dans les gardes du corps du comte d’Artois, second frère du roi. Le ménage, peu après, se délivre de sa propre autorité le titre de comte et comtesse de La Motte. Jeanne ne se fait plus désormais appeler que comtesse de La Motte-Valois. À cette date, elle fait un voyage à Saverne, rejoindre Mme de Boulainvilliers qui lui présente son ami le cardinal Louis de Rohan-Guéménée, auquel elle fait appel financièrement pour sortir de la misère avec laquelle elle continue de se débattre plus ou moins. C’est là aussi qu’elle rencontre le mage Giuseppe Balsamo, qui se fait appeler comte de Cagliostro. Celui-ci gravite aussi autour du cardinal de Rohan, en lui soutirant de l’argent en échange de prétendus miracles. Il changerait, entre autres, le plomb en or et la silice en diamant ! Profitant de ce que Versailles est largement accessible au public, Mme de La Motte tente de se mêler à la Cour. Elle parvient à convaincre le cardinal qu’elle a rencontré la reine Marie-Antoinette et qu’elle en est même devenue l’amie intime. Et l’amant de Mme de La Motte, Marc Rétaux de Villette (un ami de son mari), possédant un utile talent de faussaire, imite parfaitement l’écriture de la reine. Il réalise donc pour sa maîtresse de fausses lettres signées Marie-Antoinette de France (alors qu’elle ne signait, bien sûr, que Marie-Antoinette, les reines de France ne signaient que de leur prénom, et en tout état de cause, Marie-Antoinette n’était pas de France mais de Lorraine d’Autriche...). La comtesse va ainsi entretenir une fausse correspondance, dont elle est la messagère, entre la reine et le cardinal dont le but serait de les réconcilier. La reine et le cardinal ont, en effet, un vieux contentieux : en 1773 le cardinal, qui était alors ambassadeur de France à Vienne, s’était aperçu que l'Impératrice Marie-Thérèse, la mère de Marie-Antoinette, jouait un double jeu et préparait en sous main le démantèlement de la Pologne, de concert avec la Prusse et la Russie. Il avait écrit une lettre à Louis XV pour l’en avertir, lettre qui avait été détournée par le duc d’Aiguillon, ministre des Affaires Étrangères, qui l’avait remise à la comtesse du Barry, favorite de Louis XV, détestée par Marie-Antoinette. La comtesse l’avait lue publiquement dans un dîner, et circonstance aggravante, le ton de cette lettre était ironique et très irrespectueux envers l’Impératrice (le cardinal la dépeignait notamment, « tenant d’une main un mouchoir pour essuyer les larmes qu’elle versait à propos du démantèlement de la Pologne, et de l’autre main un couteau pour couper sa part du gâteau »...). D’autre part, la vie dissolue du cardinal à Vienne, ses dépenses effrénées, ses maîtresses affichées, ses parties de chasse fastueuses en tenue laïque, avaient scandalisé la pieuse Marie-Thérèse horrifiée de voir un représentant du Roi Très-Chrétien et surtout un prince de l’Eglise se comporter de cette façon. On l’avait même vu un jour couper à cheval une procession de la Fête-Dieu. L’Impératrice avait demandé à Versailles le rappel de cet ambassadeur peu convenable et l’avait obtenu. Depuis ces épisodes, la reine, fidèle à la mémoire de sa mère, était plus qu’en froid avec le cardinal. Ce dernier se désespérait de cette hostilité. La comtesse de La Motte fit espérer au cardinal un retour en grâce auprès de la souveraine. Ayant de gros besoins d’argent, elle commença par lui soutirer au nom de la reine 60 000 livres (en deux versements), qu’il était trop heureux d’accorder tandis que la comtesse lui fournissait des fausses lettres reconnaissantes, de plus en plus bienveillantes, de la reine, annonçant la réconciliation espérée, tout en repoussant indéfiniment les rendez-vous successifs demandés par le cardinal pour s’en assurer. Or, le comte de la Motte a très opportunément découvert qu’une prostituée, Nicole d’Oliva, opérant au Palais Royal, s’est forgé une jolie réputation due à sa ressemblance étonnante avec Marie-Antoinette. Ses clients l’ont d’ailleurs surnommée la petite reine. Mme de La Motte la reçoit et la convainc de bien vouloir, contre une généreuse somme, jouer le rôle d’une grande dame recevant en catimini un ami, dans le but de jouer un tour. Le 11 août 1784, le cardinal se voit donc enfin confirmer un rendez-vous au Bosquet de Vénus à onze heures du soir. Là, Nicole d’Oliva, déguisée en Marie-Antoinette, le visage enveloppé d’une gaze légère, l’accueille avec une rose et lui murmure un « Vous savez ce que cela signifie. Vous pouvez compter que le passé sera oublié ». Avant que le cardinal ne puisse poursuivre la conversation, Mme de La Motte apparaît, signalant que les comtesses de Provence et d’Artois, belles-soeurs de la reine, sont en train d’approcher. Ce contretemps abrège l’entretien. Le lendemain, le cardinal reçoit une lettre de la « reine », regrettant la brièveté de la rencontre. Le cardinal est définitivement conquis, sa reconnaissance et sa confiance aveugle en la comtesse de La Motte deviennent plus que jamais inébranlables. Jusqu’ici, la comtesse de la Motte se bornait, on le voit, à l’abus de confiance d’assez petite envergure. Mais, désormais toute-puissante sur l’esprit du cardinal, et jouant sur la réputation de passion de la reine pour les bijoux, Mme de La Motte va entreprendre le coup de sa vie, en escroquant cette fois le cardinal pour la somme fabuleuse de 1,6 million de livres. Le 28 décembre 1784, se présentant toujours comme une amie intime de la reine, elle rencontre le bijoutier qui lui montre le collier. Tout de suite elle imagine un plan pour entrer en sa possession. Elle déclare au joaillier qu’elle va intervenir pour convaincre la reine d’acheter le bijou, mais par le biais d’un prête-nom. De fait, le cardinal de Rohan reçoit bientôt une nouvelle lettre, toujours signée « Marie-Antoinette de France », dans laquelle la reine lui explique que ne pouvant se permettre d’acquérir ouvertement le bijou, elle lui fait demander de lui servir d’entremetteur, s’engageant à le rembourser en versements étalés dans le temps – quatre versements de 400 000 livres – et lui octroyant pleins pouvoirs dans cette affaire. En outre la comtesse s’est ménagé la complicité de Cagliostro, dont le cardinal est fanatique (il ira jusqu’à déclarer « Cagliostro est Dieu lui-même! »). Devant le cardinal, le mage fait annoncer par un enfant médium un oracle dévoilant les suites les plus fabuleuses pour le prélat s’il se prête à cette affaire. La reconnaissance de la reine ne connaîtra plus de bornes, les faveurs pleuvront sur la tête du cardinal, la reine le fera nommer par le roi premier ministre. Le 1er février 1785, convaincu, le cardinal signe les quatre traites et se fait livrer le bijou qu’il va porter le soir même à Mme de La Motte à Versailles. Devant lui, elle le transmet à un prétendu valet de pied portant la livrée de la reine (qui n’est autre que Rétaux de Villette). Pour avoir favorisé cette négociation, l’intrigante bénéficiera même de cadeaux du joaillier. Immédiatement les escrocs ont démonté le collier et commencé à revendre les pierres. Rétaux de Villette a quelques ennuis en négociant les siennes. Leur qualité est telle, et, pressé par le temps, il les négocie si en-dessous de leur valeur, que des diamantaires juifs soupçonnent le fruit d’un vol et le dénoncent. Il parvient à prouver sa bonne foi et part à Bruxelles vendre ce qui lui reste. Le comte de La Motte part de son côté proposer les plus beaux diamants à deux bijoutiers anglais de Londres. Ceux-ci, pour les mêmes raisons que leurs collègues israélites, flairent le coup fourré. Ils envoient un émissaire à Paris: mais aucun vol de bijoux de cette valeur n’étant connu, ils les achètent, rassurés. Les dernières pierres sont donc vendues à Londres. Pendant ce temps, la première échéance est attendue par le joaillier et le cardinal pour le 1er août. Toutefois, l’artisan et le prélat s’étonnent de constater qu’en attendant, la reine ne porte pas le collier. Mme de La Motte les assure qu’une grande occasion ne s’est pas encore présentée, et que d’ici-là, si on leur parle du collier, ils doivent répondre qu’il a été vendu au sultan de Constantinople. En juillet cependant, la première échéance approchant, le moment est venu pour la comtesse de gagner du temps. Elle demande au cardinal de trouver des prêteurs pour aider la reine à rembourser. Elle aurait, en effet, du mal à trouver les 400 000 livres qu’elle doit à cette échéance. Mais le bijoutier va précipiter le dénouement. Ayant eu vent des difficultés de paiement qui s’annoncent, il se rend directement chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Mme Campan, et évoque l’affaire avec elle. Celle-ci tombe des nues et naturellement va immédiatement rapporter à la reine son entretien avec Boehmer. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, charge le baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi, de tirer les choses au clair. Le baron de Breteuil est un ennemi du cardinal de Rohan. Découvrant l’escroquerie dans laquelle le cardinal est impliqué, il se frotte les mains, et compte bien lui donner toute la publicité possible. La prétendue comtesse, sentant les soupçons, s’est entre-temps arrangée pour procurer au cardinal un premier versement de 30 000 livres. Mais ce versement, d’ailleurs dérisoire, est désormais inutile. L’affaire va éclater aux yeux de la Cour ébahie. Le roi est prévenu le 14 août. Le 15 août, alors que le cardinal – qui est également grand-aumônier de France – s’apprête à célébrer en grande pompe la messe de l'Assomption dans la chapelle de Versailles, il est convoqué dans les appartements du roi. Il se voit sommé d’expliquer le dossier constitué contre lui. Le naïf prélat est atterré de comprendre qu’il a été berné depuis le début par la comtesse de La Motte. Il envoie chercher les lettres de la «reine». Le roi explose: « Comment un prince de la maison de Rohan, grand-aumônier de France, a-t-il pu croire un instant à des lettres signées Marie-Antoinette de France! ». La reine ajoute: « Et comment avez-vous pu croire que moi, qui ne vous ai pas adressé la parole depuis 15 ans, j’aurais pu m’adresser à vous pour une affaire de cette nature ? ». Le cardinal tente de s’expliquer. « Mon cousin, je vous préviens que vous allez être arrêté. », lui dit le roi. Le cardinal supplie le roi de lui épargner cette humiliation, il invoque la dignité de l’Église, le souvenir de sa cousine la comtesse de Marsan qui a élevé Louis XVI. Le roi est assurément ébranlé par cet appel à la clémence, mais se reprend devant les larmes de la reine. Il se retourne vers le cardinal: « Je fais ce que je dois, et comme roi, et comme mari. Sortez. » (Cf. Funck-Brentano, op. cit.) Le cardinal quitte le cabinet du roi et repasse, chancelant et « pâle comme la mort », dans la galerie des Glaces. Au moment où le cardinal paraît, le baron de Breteuil lance : « Qu’on arrête Monsieur le cardinal ! ». La stupéfaction et le scandale sont immenses. Le cardinal est emprisonné à la Bastille. Il commence immédiatement à rembourser les sommes dues, en vendant ses biens propres, dont son château de Coupvray (à la fin du XIXe siècle, les descendants de ses héritiers continueront de rembourser sporadiquement par fractions les descendants du joaillier). La comtesse de La Motte est arrêtée, son mari s’enfuit à Londres avec les derniers diamants, Rétaux de Villette étant déjà en Suisse. On interpelle aussi Cagliostro et Nicole d’Oliva. Le roi laisse au cardinal le choix de la juridiction qui aura à se prononcer sur son cas: ou bien s’en remettre directement au jugement du roi, ou être traduit devant le Parlement de Paris. Ce qui s’avère fort malhabile de la part de Louis XVI: le cardinal décidant de mettre l’affaire dans les mains du Parlement qui est toujours, plus ou moins, en fronde contre l’autorité royale. Le 22 mai 1786, le procès s’ouvre devant le Parlement, qui le 30 rend son verdict. Le cardinal est acquitté. La prétendue comtesse de La Motte, condamnée à la prison à perpétuité à la Salpétrière, après avoir été fouettée et marquée au fer rouge sur les deux épaules du « V » de « voleuse » (elle se débattra tant que l’un des « V » sera finalement appliqué sur son sein). Son mari est condamné aux galères à perpétuité par contumace, et Rétaux de Villette est banni. Enfin, Nicole d’Oliva et Cagliostro sont mis hors de cause, Cagliostro étant cependant invité à quitter le territoire français dans les plus brefs délais. Marie-Antoinette est au comble de l’humiliation. Elle prend l’acquittement du cardinal comme un camouflet. De la part des juges, cet acquittement signifie qu’on ne saurait tenir rigueur au cardinal d’avoir cru que la reine lui envoyait des billets doux, lui accordait des rendez-vous galants dans le parc de Versailles et achetait des bijoux pharaoniques par le biais d’hommes de paille en cachette du roi. C’était sous-entendre que de telles frasques n'auraient rien eu d'invraisemblable de la part de la reine. Et c’est bien dans cet esprit que le jugement fut rendu, et pris dans l’opinion. La reine obtient donc du roi qu’il exile le cardinal de Rohan à l'abbaye de la Chaise-Dieu, l’une des abbayes en commende du cardinal, après l’avoir démis de son poste de grand aumônier. Il restera trois mois dans cette abbaye, après quoi il ira sous des cieux plus cléments, à l’abbaye de Marmoutier près de Tours. Ce n’est qu’au bout de trois ans, le 17 mars 1788, que le roi l’autorisera à retrouver son diocèse de Strasbourg. On ne saurait mieux résumer le résultat de cette affaire que par l'exclamation d'un magistrat du Parlement de Paris au lendemain du verdict : "Un cardinal escroc, la reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de liberté !"... Bien que Marie-Antoinette ait été, d’un bout à l’autre, absolument étrangère à toute cette affaire, l’opinion publique ne voulut pas croire à l’innocence de la reine. Accusée depuis longtemps de participer, par ses dépenses excessives, au déficit du budget du royaume, elle subit à cette occasion une avalanche d’opprobres sans précédent. Les libellistes laissèrent libre cours aux calomnies dans des pamphlets où la reine se faisait offrir des diamants pour prix de ses amours avec le cardinal. Bien pire, Mme de la Motte, parvenue à s'évader de La Salpêtrière, publie à Londres un immonde récit, dans lequel elle raconte sa liaison avec Marie-Antoinette, la complicité de celle-ci depuis le début de l'affaire et jusqu'à son intervention dans l'évasion. Par le discrédit qu'il jeta sur la Cour dans une opinion déjà très hostile, ce scandale aura indirectement sa part de responsabilités dans la chute de la royauté quatre ans plus tard et dans le déclenchement de la Révolution. "Cet événement me remplit d'épouvante", écrit Goethe dans sa correspondance, "comme l'aurait fait la tête de Méduse". Peu après, développera-t-il : "Ces intrigues détruisirent la dignité royale. Aussi l’histoire du collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. Elle en est le fondement...", (Cf. Le Grand Cophte (1790), pièce inspirée à Goethe par l’histoire de Cagliostro).


Prix : 4.500 euros

lundi 11 décembre 2017

Alfred de Musset. George Sand. Coupures de presse sur leurs amours (Le Gaulois, 1860). Exemplaire Jules Noilly, Octave Uzanne et Ch. Jolly-Bavoillot. Reliure demi-maroquin à coins de l'époque. Bel exemplaire.


[A. DE MUSSET].

[LES AMOURS D'UN POÈTE.] Idylle en quatre colonnes, etc. (titre donné par Octave Uzanne en mars 1894).

[Le Gaulois, 1860]

3 feuillets in-folio collés sur papier fort, montés sur onglets et pliés au format petit in-4 (22,5 x 17,5 cm).

Reliure demi-maroquin rouge janséniste à larges coins, tête dorée. Reliure non signée mais finement exécutée pour le bibliophile Jules Noilly. Quelques ombres et traces au maroquin. Bel exemplaire néanmoins.


Ouvrage vendu à la vente Octave Uzanne du 2 et 3 mars 1894 sous le numéro 319 avec ce commentaire du bibliophile : "Fragment du journal le Gaulois, n° du 12 février 1860, contenant un violent article dirigé contre Madame George Sand et Louise Colet. Les quatre colonnes du journal sont ainsi divisées : Lui et Elle. - Lui. - Elle et Lui. - Elles, Lui et Moi ; la première porte à la fin le nom de Paul de Musset, la seconde celui de L. Colet, la troisième celui de George Sand, et la quatrième celui de A. Delatouche. Cet article ayant occasionné de nombreuses protestations, le Gaulois publia en tête de son n° du 19 février une déclaration de M. Eugène Varner affirmant que A. Delatouche est un pseudonyme auquel il est complètement étranger et déclinant, tant en son nom personnel qu'au nom de plusieurs rédacteurs du journal, la responsabilité touchant le sens, les termes, la forme de cet article et surtout l'intention qui l'avait dicté. Cette déclaration forme le 3e feuillet de notre volume. 

Octave Uzanne précise enfin que ce recueil factice provient de la bibliothèque Noilly (18 mars 1886). Lors de la vente Octave Uzanne (3 et 4 mars 1894) ce volume a été adjugé 50 francs. Il est ensuite passé dans la bibliothèque du bibliophile américain francophile et francophone résidant à New-York Charles Jolly-Bavoillot.


Provenance : Jules Noilly (avec ex libris), Octave Uzanne (avec ex libris), Jolly-Bavoillot (avec ex libris (répété 2 fois), Bertrand Hugonnard-Roche (avec son monogramme BHR à l'encre et la date 2010).

Émouvant témoignage littéraire autour des amours tumultueuses entre George Sand et Alfred de Musset.

Prix : 800 euros


dimanche 10 décembre 2017

Bernard-Henri Gausseron. Bouquiniana (1901). 1 des 10 exemplaires sur Hollande. A relier. Rare.


Bernard-Henri GAUSSERON.

BOUQUINIANA. Notes et Notules d'un Bibliologue par B.-H. Gausseron.

Paris, H. Daragon, 1901

1 volume in-12 (19 x 12), broché de 109 pages. Exemplaire à relier, dos fendu, cahiers se débrochent. Couvertures présentes mais usagées. Intérieur frais.

Tirage à 365 exemplaires. Celui-ci 1 des 10 exemplaires sur papier de Hollande, numéroté T et signé par l'éditeur. Il a été tiré 10 exemplaires sur Japon, 5 exemplaires sur Chine, 10 exemplaires sur Hollande et 350 exemplaire sur alfa vergé.



Ce volume qui plaira aux amoureux des livres et des historiettes pour bibliophiles fait partie de la "Collection du Bibliophile Parisien" publiée par H. Daragon. Il a été achevé d'imprimer à Paris chez Pairault le 14 juin 1901.

Bernard-Henri Gausseron (1845-1913) fut un des principaux collaborateurs d'Octave Uzanne pour la revue Le Livre entre 1880 et 1889, puis pour Le Livre Moderne (1890-1891) et L'Art et l'idée (1892). Il collabora également à la nouvelle revue publiée par Albert Quantin Le Monde Moderne (1895-1900). Gausseron fut un communard actif (commissaire de police du quartier de la Sorbonne puis juge d'instruction attaché au parquet du procureur de la Commune), traduit devant le conseil de guerre et condamné par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée. Il s'était réfugié en Belgique puis se rend à Londres. Il est gracié le 5 juin 1879 après avoir été professeur à Londres et marchand de livres anciens en Écosse. De retour en France, il est professeur au lycée Jeanson-de-Sailly, traduisant des ouvrages anglophones et rédigeant des manuels pédagogiques. Sa participation au Livre d'Uzanne et autres revues n'est quasiment jamais évoqué. On trouve pourtant un très grand nombre de compte-rendus d'ouvrages nouveaux sous sa signature B.-H. G. On y trouve d'ailleurs encore quelques sentiments proches de ses anciennes amours de communard. On peut dire qu'il fut le bras droit d'Octave Uzanne entre 1880 et 1892.



Exemplaire à relier du tirage rare à 10 exemplaires sur Hollande.

Prix : 140 euros

samedi 9 décembre 2017

Henri Pène du Bois. Octave Uzanne. Four Private Libraries of New-York. A contribution to the history of bibliophilism in America. 1892. 1/200 ex. sur Japon avec manuscrit de la traduction anglaise de la préface d'Octave Uzanne.


Henri PENE DU BOIS. Octave Uzanne.

FOUR PRIVATE LIBRARIES OF NEW-YORK. A contribution to the history of bibliophilism in America. First series. Preface by Octave Uzanne.

New-York, Duprat & Co., 1892

1 volume in-8 (23 x 15 cm), broché, de 119 pages. Illustrations et reproductions de reliures anciennes et modernes. 2 ex libris tirés sur les cuivres originaux (pour M. Charles Jolly Bavoillot par Giacomelli et M. George B. de Forest par Paul Avril). Exemplaire à relier, dos fendillé fragile avec petits manques de papier, les deux plats de couvertures sont en bon état. Intérieur parfaitement frais. Complet.




Tirage de tête sur papier du Japon à 200 exemplaires. Il a été tiré en outre 800 exemplaires sur papier de Hollande.




Le texte du volume est en langue anglaise tandis que la préface d'Octave Uzanne est en français.




Nous joignons au volume la traduction anglaise du texte d'Octave Uzanne (contemporaine de l'édition). L'auteur de cette traduction autographe n'a pas été identifié (6 pages in-12).



La reproduction chromolithographique en frontispice d'une reliure de Trautz-Bauzonnet est superbe. Le tirage des ex libris l'est tout autant. Le volume contient également un joli fac similé d'autographe de Victor Hugo à Alexandre Dumas (monté sur onglet).




"The author discusses the art of forming a library and pleads for perfection of the smallest details of collecting regardless of the subject, period or author concerned. Du Bois writes interestingly of the early bookmen, Caneveri, Masioli, Grolier, Spencer, Didot, and Brinley, to name a few.the text of this book-and one needs a reading knowledge of French to appreciate its fullness - offers more thought-provoking material to the bibliophile than any half dozen other titles in the field." (Webber, p. 62).



Beau tirage de tête sur papier du Japon de ce joli livre pour bibliophiles et bibliomanes.

Prix : 350 euros