jeudi 10 mars 2016

Bibliophilie : Le Salut par les Juifs par Léon Bloy. Edition originale de 1892. Très bel exemplaire relié par René Kieffer. Livre recherché.


Léon BLOY

LE SALUT PAR LES JUIFS.

Paris, Librairie Adrien Demay, 1892

1 volume in-8 (22,5 x 15 cm), de 2 ff. n. ch. (faux-titre et titre), III pp., 1 faux-titre (répété), 132-(1) pages.

Reliure demi-maroquin havane à larges coins, dos à quatre nerfs avec étoile de David stylisée mosaïquée de maroquin teinté rouge au centre du dos, auteur et titre doré dans les entre-nerfs, date dorée en queue du dos, tête dorée, relié sur brochure, non rogné, les très fragiles couvertures en parchemin végétal ont été conservées (les deux plats - avec fortes rousseurs cependant). Intérieur frais, comme toujours imprimé sur papier fort très teinté, mais intègre (le papier n'est pas cassant). La reliure n'est pas signée mais provient d'un fond relié par René Kieffer, cette reliure sort de cet atelier, sans aucun doute possible. Etui. Ensemble en excellent état.



ÉDITION ORIGINALE.

"Évoquer Le Salut par les Juifs de Léon Bloy n’est pas une chose commode, tant la figure du pamphlétaire catholique nous apparaît tourmentée, chargée d’inquiétude et d’ambiguïté. Une certaine lecture du texte pourrait d’ailleurs s’avérer périlleuse si nous ne nous efforçons pas de saisir le contexte à l’intérieur duquel cet ouvrage polémique s’inscrit tout autant que de comprendre le Christianisme singulier de Bloy. Christianisme mystique, révolté , à la marge de l’Église officielle qui saisit et interprète le monde par le double emploi du mystère et du symbole." (Laboratoire de recherches en sciences humaines Anthélie, résumé de l'oeuvre, consulté en ligne).



"Bloy se fâche alors avec la plupart de ses anciens amis, et commence à tenir son journal intime. En 1892, il publie Le Salut par les Juifs, écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont. Il y soutient des théories personnelles telles que : « L'histoire des Juifs barre l'histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais, et tout ce qu'on peut faire, c'est de les franchir en bondissant avec plus ou moins de fracas, sans aucun espoir de les démolir. » En commentant cet ouvrage dans Le Figaro du 20 septembre 1892, Remy de Gourmont écrit que Bloy « nous fait lire cette conclusion : Israël est la croix même sur laquelle Jésus est éternellement cloué ; il est donc le peuple porte-salut, le peuple sacré dans la lumière et sacré dans l'abjection, tel que l'ignominieux et resplendissant gibet du Calvaire. ». Bloy, tout en saluant le rôle particulier des juifs, et reprenant à sa manière le thème du peuple élu, n'hésite pas à écrire en leur faveur des textes comme « quelques-unes des plus nobles âmes que j'ai rencontrées étaient des âmes juives. La sainteté est inhérente à ce peuple exceptionnel, unique et impérissable »." (source : Wikipédia).

Actualité de ce livre : Le 13 novembre 2013, le juge des référés de Bobigny, sur une plainte de la LICRA, ordonne la censure partielle de l'ouvrage de Léon Bloy, Le Salut par les Juifs, décision qui suscite une polémique. Ainsi, selon Le Nouvel Observateur, « l’arrêt du juge de Bobigny, injuste pour la mémoire d’un écrivain, place une partie de notre patrimoine littéraire sous la menace d’un anachronisme judiciaire. ». Le Figaro littéraire rappelle pour sa part que Léon Bloy qualifiait l'antisémitisme de « crime » et que cet ouvrage fut salué par Franz Kafka (« un livre contre l'antisémitisme »), Emmanuel Lévinas, Octave Mirbeau, Paul Claudel, Georges Bernanos, Jorge Luis Borges et plus récemment par l'universitaire israélienne Rachèle Goëtin.

"[...] Dans la question juive, il y a la question divine — et c'est celle-ci que M. Bloy veut résoudre en un volume qui voit le jour à la même heure que ce journal. L'auteur détesté de tant de violences qui retombèrent sur ses épaules, le distillateur de tant de fatidiques poisons où il s'empoisonna lui-même — mais un peu à la manière de Mithridate – le pamphlétaire Bloy, enfin, n'a plus comme gourdin que le bâton d'olivier où s'enroulent en exergue les Sept Paroles, et c'est en biblique exégète qu'il s'avance, en interprète du Livre où tout fut dit une fois pour toutes. [...] Le rôle des Juifs et leur fin sont donc de rester Juifs, de conserver tous les caractères de leur race et d'attendre la venue de l'Innomé qui purifiera tout par le feu... Oui, c'est moins clair qu'un vaudeville et même cela devient assez obscur en telles pages du livre, lorsque M. Bloy, défendant les Juifs, les défend à peu près de la manière qu'on défend les tapis contre la poussière. Car il ne faudrait pas croire que « Le Salut par les Juifs » soit une apothéose. Il est un argument, de bonne guerre, que l'on s'étonnerait de ne point lire en un volume où rien d'essentiel n'est omis. On le connaît, mais il fallait le redire en un style définitif : ce peuple sur lequel vous piétinez, vous catholiques, prêtres ou croyants, ignorez-vous donc que de lui sont sortis les patriarches, les prophètes, les évangélistes, les apôtres, les premiers martyrs, la Vierge et Jésus « le Juif par excellence de nature », le Juif indicible et qui sans doute avait employé toute une éternité préalable à convoiter cette extraction ? Tous les livres de M. Drumont se réfuteraient aisément en une seule ligne : « Notre Seigneur Jésus-Christ était Juif. » A cette hauteur et théologiquement la question juive a un intérêt transcendant pour les quelques fous qui rêvent de savoir le dessous des cartes du Jeu divin ; pour les autres, le livre de M. Bloy aura, du moins, une valeur d'actualité, et les lecteurs de cette catégorie seront bien surpris que l'on traite un tel sujet en citant les Evangiles et non pas les « Archives israélites », en invitant le peuple, non pas à « prendre », mais à « comprendre », et en insinuant qu'au delà des petites querelles de pauvre à riche, il y a la grande querelle du Fini et de l'Infini, autrement insoluble encore, autrement « actuelle » que tout ce que les hommes peuvent inventer dans leur absurde rage d'être malheureux." (Remy de Gourmont, in Le Figaro, 20 mars 1892).

TRÈS BEL EXEMPLAIRE FINEMENT RELIÉ.

Prix : 600 euros